Vers la fin de la détention administrative ?

Initiallement paru sur www.renverse.co

Avec l’impossibilité d’expulser, Genève libère les personnes enfermées dans ses centres de détentions. Toutefois, les personnes retenues ayant été infectée par le virus covid-19 se voient incarcérées dans la prison surpeuplée de Champ-Dollon. Qu’en sera-t-il de la détention administrative après le virus ? Plus jamais ça !

L’illégalité de la détention administrative en période de covid-19,

Alors que le Conseiller d’Etat en charge de la sécurité, Monsieur POGGIA, annonçait par voie de presse le vendredi 20 mars que : “nous [le Conseil d’État] avons en particulier décidé que pour tout ce qui est de la détention administrative, de faire en sorte que celle-ci ne soit pas maintenue s’il n’y a pas à vue humaine une possibilité de renvoi dans le pays d’origine de la personne, à brève échéance. Ce qui est le cas de la très grande majorité des personnes qui étaient actuellement retenues dans les prisons administratives, ce qui écarte le risque de la transmission de la maladie pour ce type de population. [1]”

Nous ne pouvions alors que commencer par nous réjouir. En effet, depuis des années, nombreuses sont les associations, partis et collectifs qui dénoncent fermement l’existence de ces prisons administratives. En deux mots, la détention administrative c’est lorsque l’Etat enferme une personne en vue de son renvoi. Cet enfermement carcéral n’a rien à voir avec le domaine pénal car aucune infraction n’a été commise par les personnes enfermées; l’Etat les enferme dans ces prisons en attendant de les expulser, souvent dans la violence meurtrière connue des vols spéciaux [2]. La détention administrative peut durer jusqu’à 18 mois.

Il ne s’agit pas ici d’acclamer Poggia qui en ce sens a simplement appliqué la loi qui rend nulle la détention administrative lorsque le renvoi n’est pas exécutable et au vu de la situation sanitaire générale, l’Etat ne peut procéder à aucun renvoi et donc la détention devient illégale. Ces mesures vidant les centres de détention administrative sont par ailleurs appliquées dans les autres cantons suisses qui en ont et dans différentes villes françaises (en tout cas).

Les centres genevois de détention administrative (Frambois et Favra) sont donc désormais vides!

Des innocents malades placés à Champ-Dollon pour être isolés

MAIS la Tribune de Genève dans son article du lundi 23 mars nous apprenait que certaines personnes qui se trouvaient dans ces centres avaient contracté le covid-19. Qu’a fait l’Etat? Alors qu’il aurait dû libérer les personnes et envoyer celles qui nécessitaient des soins à l’hôpital afin qu’elles puissent être soignées, elles ont été envoyées à Champ-Dollon (qui rappelons-le est une prison pénale surpeuplée, connue pour être une des pires prisons d’Europe).

L’ONU, des associations d’avocat.e.s, des associations pour les droits humains et des collectifs se mobilisent partout dans le monde (!) pour exiger le désengorgement des prisons en ce moment de crise en libérant conditionnellement — disposition prévue par la loi —, en assignant à résidence, en imposant le bracelet électronique, en accordant grâce ou aministie. Au lieu de ça, l’Etat genevois place des personnes malades qui étaient sous son joug pour AUCUN motif pénal dans des cellules isolées à Champ-Dollon.

La violence d’un tel acte, en plus d’être totalement irraisonnable est sans précédent. Irraisonnable parce que bien que l’article nous apprenne que les personnes contaminées seront isolées des autres personnes détenues (encore heureux…), elles ne le seront pas des gardien.ne.s qui eux et elles pourront transmettre la maladie aux autres personnes détenues. Mais surtout, d’une violence sans précédent car, au-delà de nos considérations foncièrement anticarcérales, enfermer une personne malade mais surtout innocente dans une cellule de Champ-Dollon ne peut être considéré autrement.

Parce que la détention administrative ne doit plus jamais reprendre,

La détention administrative, soit l’enfermement pour des raisons strictement administratives, ne peut continuer. Aujourd’hui, le virus a vidé ces prisons, plus jamais elles ne doivent se remplir. Un premier pas vers la construction d’une ville basée davantage sur l’accueil que sur l’enfermement et l’expulsion est possible. Vous en aurez fait la preuve. Les avancées humaines en période de coronavirus ne doivent pas être bafouées aussitôt la santé recouvrée, au contraire.

Encore une fois, et plus que jamais, nous exigeons que Genève n’ait plus jamais de prison administrative!

Liberté et Dignité pour tou.te.s!

[1] Extrait de la Conférence de presse du Conseil d’Etat du 20 mars sur le Covid-19

[2] Les renvois forcés sous la loupe de la Commission nationale de prévention de la torture