Mouvement de détenus à Bellechasse

En juin dernier, une quarantaine de détenus de la prison de Bellechasse à Fribourg se sont mis en grève pour protester contre des conditions de détention qui relèvent de « la torture psychologique » et « bafouent les droits humains ». À la suite de ce mouvement largement suivi au sein de la prison – et en dépit des tentatives de dissuasion des surveillants – les détenus se sont constitués en Assemblé Générale. Malgré la répression au sein de la prison et les tentatives de casser le mouvement, les détenus ont rédigé un cahier des doléances long de 17 pages et portant sur 10 points de revendication. Nous en reproduisons ici le résumé.

Le texte original et contextualisé est disponible ici sur le site de l’AF3DF (Association fribourgeoise de défense des droits des détenus et de leur familles).

Toute notre solidarité aux détenus et anciens détenus en lutte.

 

Cahier de doléance du 26.06 2023 des détenus de Bellechasse

1/ Que les Conditions d’Exécution des Peines soient conformes au droit.

Limitations de droits, restrictions et enfermements abusifs, non mise en œuvre des accompagnements sociaux et de réinsertion. Non-respect particulièrement de l’Art 59 OEPM.

En résumé : les détenus déjà jugés placés dans le BR (EAP) sont traités comme en détention provisoire et sont de fait privés de liberté de déplacements dans l’établissement (entre couloirs, espace verts, terrain de foot…) et surtout de « permissions de sortie » de travail à temps plein, de formation et de l’accompagnement social de réinsertion (Plan d’exécution des peines et mesures) l’art.67 LEPM et art. 38 OEPM

Les détenus demandent que les personnes en exécution de peine (y compris anticipée) bénéficient sans délais (autre que celui d’un traitement administratif raisonnable- env. 15 jours) de la liberté de déplacement dans l’EDFR, du travail à temps et de toute les mesures d’assouplissement, d’élargissement et d’accompagnement prévu par la loi.

 

2/ Accès aux Soins et Santé : Privation de soins constitutif de torture et non-assistance à personne.

Refus de soins médicaux, retard, oubli fréquents et refus de délivrance des médications aux détenus ( y compris pour des traitements régulier lourd de pb cardiaques et de douleurs !!!) . Attitude générale du service infirmier et des agents de minimiser les maux et laissant les détenus dans la souffrance, sans assistance ou surveillance. Ceci met en danger la vie même des détenus durant la privation mais également à moyen et long terme en altérant leur santé physique et psychique. (Ex : attente plusieurs semaines voire mois pour un rdv chez le médecin ou le dentiste alors que le RD art.33 (Règlement de détention) prévoit la visite d’un médecin sur demande 2x par semaine.

Les détenus demandent une prise en charge des souffrances et un accès aux soins rapide, sérieuse respectueuse autant du droit que des personnes. Que soit sanctionné les refus de soins (par négligence, vengeance, mépris…) de la part des personnel de l’EDFR.

 

3/ Visites des familles et amis Conditions visant à dissuader d’avoir des visites et ne respectant pas l’intimité et l’intégrité des personnes.

– Démarches administratives longues et fastidieuse minimum 5j et de nombreux échanges de documents requis (alors même qu’à la prison centrale de Fribourg basse-ville, les visite sont réglés en 48h sur appel et e-mail)

– Fouilles systématiques aux corps des détenus et visiteurs alors que la réglementation (art.18 OEPM et art. 60 RD) n’impose que le passage aux détecteurs, la fouille aux corps étant réservée sur suspicion de délits, ou sur décision individuelle de justice.

– Jours et Horaires de visites trop restreints, condition et fréquence des visites virtuelles (par vidéo) trop restrictives, pas adaptés aux disponibilités et contraintes des familles et amis.

– Parloir surveillé par vidéosurveillance et écoute possible, interdiction de contacts physiques avec les visiteurs.

Les détenus demandent :

– la suppression de la surveillance vidéo et audio dans les parloirs,

– l’aménagement d’un parloir intime

– une attitude plus respectueuse (moins intrusives et restrictive vis-à-vis des visiteurs particulièrement) de la part des agents en charge de la surveillance de la salle de visite « collective ».

– La fin des fouilles corporelles systématiques des visiteurs et détenus.

– la simplification des démarches de validation des visites (simple comme dans toutes les prisions suisses)

– la possibilité de visite virtuelle pour tous les détenus une heure chaque semaine.

 

4/ Téléphone : Tarifs excessifs & disfonctionnements permanents, pas assez de cabine, écoute permanente des conversations bafouant le droit à l’intimité et les droits de la défense.

Les tarifs constatés sont de 60cts pour les appels en Suisse et pour les 0800 (censés être gratuits) de 1 €uros pour les appels vers Europe de l’Ouest et 2€50 pour le reste du Monde (y compris Europe de l’est – et oui c’est facturé en €uros.). De plus nous rencontrons des problèmes de numérotations et de coupure. Le système : appel un numéro que nous n’avons pas composé et qui n’est pas plus celui affiche à l’écran, ne prend pas en compte des chiffres, coupe ou met fin aux conversations de manière intempestive.

Il n’y a qu’une cabine par couloir ce qui est insuffisant et créé des tensions entre détenus car les périodes dans lesquelles nous ou nos familles amis sont disponible sont réduite (travail, scolarité, fermeture des cellules)

Les conversations sont sur écoute systématiques ce qui enfreint le droit à l’intimité des familles et la loi interdisant la surveillances des échanges avec le défenseur (avocat). De fait cela produit de lourds couts supplémentaires puisque les avocats sont obligés de se déplacer, et nous expose à des mesures de rétorsion lorsque nous dénonçons des mauvais traitements.

Ce qui précède étant absolument incompréhensible puisque le téléphone est gratuit pour la suisse à la prison centrale de Fribourg et n’est pas sur écoute sauf pour les détentions provisoires.

Les détenus demandent :

qu’un autre fournisseur de téléphonie, Suisse et sérieux soit choisi au plus vite et que les numéros gratuits 0800 soient effectivement gratuits.

Que si le point précédent devait prendre du temps que les détenus soient indemnisés du préjudice subit par les tarifs excessifs et les disfonctionnements constants.

Que chaque couloir dispose de 2 cabines.

La fin des écoutes des conversations téléphoniques (sauf celle ordonnées par une autorité de justice) et le respect du droit à l’intimité et du droit de la défense.

 

5/ Réception d’argent de colis et de biens :

Les détenus constatent que la réception de colis et de biens et trop limité mais également que les colis et lettres destinés aux détenus sont parfois bloqués de manière abusive par l’EDFR sans motifs valable, ni même motivé par écrit.

Les détenus demandent :

– Que le plafond de réception annuel soit porté à 3000 fr par année civil et que la somme puisse être versé en une ou plusieurs fois selon le choix/possibilités des détenus/familles, par virement et par dépôt lors d’une visite.

Que nous puissions recevoir 12 colis par année civil d’un poids de 10kg et qu’ils puissent être déposé à l’ EDFR et pas seulement par voie postale.

Que les visiteurs puissent déposer des habits livres et autres biens lors de visites.

Que la réception de livres, magasines disques dvd et jeux vidéo et journaux ne soient pas limité en nombre ou en kg.

 

6/ Cantine / Magasin

Les produits proposés sont anormalement chers (12 fr/kg de riz, 130 fr/kg Nescafé Gold, 6 de 1,8kg de Bananes). De plus il manque souvent des produits dans les livraisons ou alors ceux-ci sont abimés, moisis, pourris et pourtant facturé et jamais remplacé ou remboursé. La liste d’articles proposée (2 pages) est trop restreinte (5 pages dans les autres prisons suisses) et la fréquence de 2 à 3 semaine entre chaque commande est insuffisante.

Les détenues demandent :

Que soit proposé une cantine chaque semaine avec une liste de produit plus large (à établir avec les représentant des détenus, dont produits de santé, vitamines et compléments alimentaires) et à des tarifs conformes « aux prix du marché » (comme Coop ou Migros).

Qu’un contrôle et une supervision sérieuse et honnête des produits livrés soient effectué de la préparation des commandes à leur livraison.

 

7/ Repas : Bcp d’erreurs et d’oublis, menus incomplets, délais /système de conservation des plats altérant la qualité et le gout, manque de contrôle et de supervision.

Les détenus demandent :

Que les délais et mode de conservation des plats soit maitrisé ou modifié afin que lors du services leur qualité n’aient pas été altérée.

Que ne soient plus « oublié » les plats de substitution religieux, végétarien ou pour raison de santé.

Que soient proposé plus souvent des œufs dans les menus afin de garantir pour tous les apports en protéine et fer.

Que des desserts variés soient aux menus (et pas seulement 1 pomme par jour !!!) fruits variés pâtisseries et laitages.

Qu’un petit déjeuner soit fourni : incluant céréales, cacao, café thé lait et pain.

Que les produits industriels hyper-transformés (nuggets, galettes pannées…) soient bannis des menus, d’autant que le chef sait parfaitement nous proposer de très bons plats avec des produits frais.

Qu’un contrôle et une supervision sérieuse de la confection au service des mets (y compris menus dit spéciaux) soit effectué afin qu’il ne manque de quantité pour personne (souvent les derniers servis n’ont presque plus rien !)

Les détenus proposent la création d’un Kiosque (magasin physique) hebdomadaire tenus par des détenus sous la supervision des maitres d’atelier (lesquels sont en accord avec cette proposition) auprès duquel chacun pourrait payer avec sa clé à automate.

 

8/ Droit de représentation, de concertation et droit de Grève

Considérant que dans l’intérêt de la bonne marche de l’EDFR, du respect des droit des détenus, et d’un climat apaisé visant les buts de l’exécution des peines non-récidives et réinsertion) que nous sommes des travailleurs (même pour un salaire très modique 18fr/jour- puisque nous sommes soumis à une exigence de qualité et de productivité), constatant que le droit d’organisation des travailleurs et de grève des détenus dans les établissements de détention n’est interdit par aucun texte, mais n’est pas spécifiquement cité et expliqué

Les détenus demandent :

à pouvoir s’organiser officiellement en organisation représentative et partant disposer de moyens à cette fin (espace pour les réunions des représentants, ordinateur, imprimante, photocopie, panneau d’affichage) Nb : Les détenus ont décidé de désigner un représentant par couloir

Que nos représentants soient reçus chaque mois par la direction pour concertation, revendication, signalement des problèmes et au moins une fois par semestre par la commission administrative.

Que l’organisation représentative des détenus comme le droit de grève soit reconnus et protocolés dans les règlements encadrant la détention.

NB1 : Nous rappelons que ni la LPEM, ni L’ OEPM ni le RD ne prévoit aucune obligation de travail mais seulement l’obligation d’accomplir correctement le travail confié. Partant aucune sanction ne peut être prononcée pour « refus de travail ».

NB2 : Nous précisons que nous souhaitant majoritairement travailler plus, travailler mieux, se former pour gagner plus et garantir notre réinsertion.

 

9/ Sanctions liées à ce mouvement de grève

Attendus que nous (les détenus) avons été consigné en cellule privé de sport, de loisirs et de téléphone par la direction durant déjà 3 jours, nous exigeons que « les poursuites » entamées par auditions individuels (visant à nous démobiliser et nous sanctionner encore plus) soient abandonnés et qu’aucune sanction ne soient prise contre aucun des grévistes. De plus constatant que nous avons été privé de travail par l’EDFR les 26 et 27 juin (alors que nous avions prévu de reprendre le travail jusqu’au 28 date annoncé de visite du directeur) nous exigeons que toutes les journées pour lesquels nous avons été empêchés de travailler ces deux journées soient par enfermement abusif soient indemnisées au titre du chômage interne.

 

10/ – Respect des droits et modification des réglementations suite à nos revendications.

Nous détenus exigeons :

– Que les lois ordonnances et règlements soient respecté en tout temps.

– Que nos droit et notre dignité ainsi que ceux de nos familles et visiteurs soient respectés en tout temps.

– Que cesse les privations arbitraires, les mesquineries, les décisions contradictoires et abusives. (Notamment l’obstruction à l’assistance religieuse et spirituelle, la privation du droit de jouer d’un instrument de musique, la privation de pratique du sport et de loisirs collectifs

– Que les privations de travail de sport de loisirs ou les confinements en cellule, ne soient prononcé que par un médecin qualifié ou pour motif de sureté dument motivé et communiqué par écrit au détenu.

– Que ces privations puissent être levé en tout temps par décision d’un médecin qualifié.

– Que les personnes relevant de la psychiatrie ou d’un accompagnement médicalisé conséquent soient confiés à des établissements spécialisés. Le maintien en détention « de droit commun » ne fait qu’aggraver leur état et expose à des risques graves pour eux -même, pour les autres détenus et les personnels.

– Que les règlements et lois encadrant la détention à l’EDFR soient modifiés pour faire droit à nos demandes et en garantir l’application.