La violence des prisons à l’heure du coronavirus

Article précedemment paru sur www.renverse.co

Crèches fermées, écoles à distance, travail à l’arrêt autant que possible, événements culturels annulés, bref, on s’approche d’un véritable confinement pour stopper la propagation de ce virus. Pendant ce temps, alors qu’on nous enjoint à prendre soin de nous et de nos proches, les personnes précarisées par un système de classe, raciste et sexiste sont ignorées par les recommandations de l’Office fédéral de la santé publique. Les travailleur·euse·s précarisé·e·s, les parents précaires, les personnes à la rue, les personnes sans statut de séjour et les prisonnier·ère·s n’ont reçu aucune attention particulière dans ces déclarations qui ignorent souverainement leur réalité matérielle.

Parmi ces sujets, la question des prisonnier·ère·s n’arrête pas de résonner dans nos têtes. Les personnes incarcérées sont de fait une population à risque puisqu’on le sait, l’enfermement combiné à un accès restreint aux soins médicaux dégrade la santé.

Comment peuvent-iels concrètement prendre soin d’elleux ? Comment, en tant que proches, est-ce possible d’être serein·e·s et de faire confiance à un système pénitentiaire qui reproduit la violence d’État et perpétuent des violences physiques et morales quotidiennement ?

« Evitez d’être en contact avec les autres,
2 mètres de distance à respecter, lavez-vous les mains… »

Ces consignes sanitaires devraient être appliquées à toute la population. Pourtant, dans certains lieux notamment gérés par l’État, elles sont impossibles à respecter. Les conséquences ne sont pas les mêmes pour toustes, et ça, personne n’en parle. Les prisons sont surpeuplées [1]. Par quel moyen est-on censé éviter la propagation du virus dans des cellules de 2 à 6 personnes ? Il n’y en a absolument aucun et la santé ne peut être préservée en prison. Elle ne le pouvait déjà pas avant et aujourd’hui encore moins.

Que ça soit dans la presse locale genevoise ou dans les médias internationaux, le mot d’ordre est “isolement”. L’isolement en prison signifie rester 24 heures sur 24 dans une cellule avec d’autres personnes détenues. L’isolement signifie la fin des activités communes : le sport, le travail, les promenades, l’Eglise le dimanche (en Occident). L’isolement est une punition dans la punition, c’est isoler encore plus la personne en ce qu’elle est déjà isolée car prisonnière. L’isolement est une violence, une forme de torture.

La fin des visites ?

En Italie, pays fortement touché par le coronavirus, des mesures inutiles et violentes, dont l’annulation des visites, ont été prises à l’encontre des personnes détenues et de leurs proches. Cette décision a été le coup de trop pour les prisonnier·ère·s qui critiquaient déjà la gestion de la crise sanitaire dans ces prisons surpeuplées. Libertà ! et Indulto ! (grâce) pouvait-on lire sur des banderoles déployées par les prisonniers en mutinerie. Les proches des personnes détenues se sont rassemblé·e·s devant les établissements pénitenciers pour exprimer leur désaccord avec cette interdiction et montrer leur solidarité avec leurs proches incarcéré·e·s. Plus d’une dizaine de personnes détenues sont mortes lors de ces émeutes et des centaines ont été blessées. Ces morts sont le résultat d’une violence systématique, qui a choisi de ne mettre en place que des mesures répressives et violentes, quitte à ce qu’elles ne soient pas utiles plutôt que de penser au bien-être, à la dignité, à la santé et à la vie des personnes enfermées. Paix à leur âme, que la terre leur soit légère [2].

« Italie : plus d’une dizaine de détenus sont morts lors de ces émeutes. »

Pour le moment, en Suisse les visites ne sont pas suspendues et les visiteurs·euse·s se font prendre la fièvre à l’entrée de la prison; ce qui semble logique. Mais la peur qu’une mesure aussi violente puisse intervenir n’est pas encore dissipée. En France, il a été annoncé que de telles mesures pourraient être prises dans le cas où un certain seuil de contamination serait atteint; sans plus de précision. Et c’est tombé. Certaines visites commencent cette semaine à être interdites pour certaines personnes. Les proches également se retiennent d’y aller, dans la crainte de contaminer les détenu·e·s. En Suisse, aucune information à ce sujet n’a été communiquée, une décision pourrait tomber du jour au lendemain.

Si l’inquiétude est aussi immense, c’est que nous avons l’habitude que les autorités pénales et judiciaires soient violentes et tendent vers la répression plutôt que vers la dignité pour éviter la propagation de l’épidémie. Pourtant, les autorités le savent, il serait beaucoup plus efficace de lutter contre ce virus en respectant la dignité des personnes détenues.

De nombreuses solutions pour éviter l’arrêt total des visites pourraient être trouvées. Il en est de la responsabilité de l’État d’inclure les prisonnier·ère·s dans les mesures prises pour limiter la propagation du virus, tout en respectant leurs droits (dont le parloir fait entièrement partie). Leur peine ne doit être ni renforcée ni prolongée. Au contraire, dans ce contexte particulier, les liens avec les proches devraient même être facilités. Les appels en prison, rappelons-le sont très restreints (sur demande, fréquence et durée limitées). C’est le moment de permettre aux détenu·e·s d’avoir un téléphone en cellule afin qu’iels puissent prendre des nouvelles de leurs proches plus facilement, et vice-versa. Cette période n’est facile pour personne, il semble logique de permettre à tout le monde de se soutenir et d’être en contact avec ses proches de manière renforcée. Les détenu.e.s et leurs proches y ont droit également.

Sur le ton des révoltes en Italie : Liberté, Grâce et Amnistie!

« La justice iranienne a annoncé, le 9 mars, la mise en liberté temporaire de quelque 70 000 prisonniers dans tout le pays “pour endiguer la propagation du coronavirus” et pour “assurer la santé des prisonniers”, a écrit le quotidien iranien Hamshahri. “Tant qu’elles ne compromettent pas la stabilité sociale et qu’elles privilégient les détenus atteints de pathologies, les libérations doivent se poursuivre”, a annoncé le chef de la justice iranien, Ebrahim Raisi. »

70’000 détenu·e·s libéré·e·s en Iran pour assurer leur santé

L’Iran libère massivement ses prisonnier·ère·s, on pourrait faire pareil. Au vu de la situation sanitaire tendue à Genève – en termes de nombre de personnes contaminées, de nombre de décès, de fermeture d’écoles obligeant les parents à garder leurs enfants, en d’autres termes de la crise qui s’annonce et de l’impact sur le personnel disponible – il semble tout à fait logique de libérer un maximum de prisonnier·ère·s afin de désengorger les prisons et d’éviter une hécatombe dans ces lieux de morts. Les détenu·e·s ont les mêmes droits à la santé et à la protection que n’importe quel·le citoyen·ne.

Pour les proches des personnes détenues il est insupportable de ne pas pouvoir avoir de nouvelles de ceux et celles que l’on aime, de savoir comment iels se portent, de pouvoir les rassurer sur comment nous même nous allons. En ces périodes de trouble, l’inquiétude pour ceux et celles qu’on aime est au plus haut et les prisonnier·ère·s ils et elles sont nos frères, copains, maris, pères, amis, soeurs, femmes, copines, mères et amies. Laissez-nous avoir de leurs nouvelles, laissez-nous leur donner de nos nouvelles. Laissez-les rentrer à la maison! Là on pourra prendre soin les un·e·s des autres et vivre un isolement dans la dignité!

Parce qu’on ne laissera passer aucune violence supplémentaire au nom de la lutte contre le coronavirus!

On refuse de ne pas avoir de nouvelles de nos proches et qu’ils et elles ne puissent en avoir de nous! C’est le moment des téléphones en cellules, ce temps viendra à Genève il est déjà là ailleurs, ici c’est maintenant!
On refuse la fin des visites s’il n’y a pas de fièvre!
On refuse que nos proches enfermé·e·s se voient encore plus restreint·e·s dans leur liberté!
On refuse qu’ils et elles soient encore plus isolé·e·s et réprimé·e·s!
On refuse qu’ils et elles ne soient pas pris.es en charge réellement et dans la dignité!
On refuse de les savoir entassé·e·s et mal-traité·e·s, d’autant plus dans ce contexte!

Liberté pour touTEs!
[1] Et le fait qu’elles soient peuplées est déjà une violence en soit.
[2] Des personnes ont aussi pu s’évader, et une personne dehors c’est une victoire pour tou.te.s. On espère que vous allez bien. Prenez soin de vous.

Incarcération de masse et nouvelle ségrégation raciale

Ici sont republiés des extraits de l’introduction du livre indispensable de Michelle Alexander, La couleur de la justice : incarcération de masse et nouvelle ségrégation raciale aux États-Unis. De l’esclavage aux innombrables prisons actuelles, en passant par les lois ségrégationnistes Jim Crow, ce texte replace la prison et l’incarcération de masse étatsunienne dans la bonne séquence.

«  Cette idée d’un nouveau système de castes raciales m’a effleuré pour la première fois l’esprit il y a plus de dix ans, quand mon regard fut attiré par une affiche orange. Je me pressais pour prendre mon bus, quand je remarquai sur une pancarte agrafée à un poteau téléphonique ces grosses lettres hurlant : LA GUERRE CONTRE LA DROGUE EST LE NOUVEAU JIM CROW. Je m’arrêtai un moment pour parcourir le texte du tract. Un groupe radical organisait dans la communauté un meeting sur les violences policières, la nouvelle loi californienne des trois fautes et l’expansion du système pénitentiaire américain. Le meeting était organisé à quelques blocs de là, dans une petite église pouvant accueillir tout au plus une cinquantaine de personnes. Je soupirai et marmonnai quelque chose du genre « oui, le système judiciaire est raciste à bien des égards, mais ça n’aide pas de faire ce type de comparaison absurde. Les gens vont simplement croire que vous êtes fou ». Puis je traversai la route et sautai dans le bus. J’allais prendre mes nouvelles fonctions de directrice du Racial Justice Project de l’American Civil Liberties Unions (ACLU) du nord de la Californie.

A l’époque où je commençai à travailler à l’ACLU, je pensais que le système judiciaire avait des problèmes liés à des a priori raciaux, tout comme l’ensemble des grandes institutions majeures de notre pays. En tant qu’avocate ayant mené de nombreuses actions collectives et plaidé dans des affaires de discrimination à l’embauche, j’étais très consciente des nombreuses façons dont les stéréotypes raciaux peuvent façonner les prises de décision, avec des conséquences dévastatrices. J’étais familière des défis posés par la réforme d’institutions dans lesquelles la stratification raciale est considérée comme la conséquence naturelle de différences d’éducation, de différences culturelles, de motivation et, comme certains le croient encore, d’aptitudes innées. Une fois à l’ACLU, je me concentrais sur la réforme du système judiciaire et tentais avec d’autres d’identifier et d’éliminer le biais racial dès qu’il montrait son visage hideux.

« Il ne s’agissait pas simplement d’une autre institution infectée par le biais racial mais d’un monstre tout à fait différent »

En quittant I’ACLU, j’en suis venue à penser que j’avais tort au sujet du système judiciaire. Il ne s’agissait pas simplement d’une autre institution infectée par le biais racial mais d’un monstre tout à fait différent. Les activistes qui avait agrafé la pancarte sur le poteau téléphonique n’étaient pas fous, pas plus que la poignée d’avocats et de militants à travers le pays qui commençaient à établir un lien entre notre actuel système d’incarcération de masse et des formes antérieures de contrôle social. Je me suis rendue compte assez tardivement que l’incarcération de masse était un système de contrôle social racialisé, à la fois total et dissimulé, qui fonctionnait d’une façon semblable [aux lois ségrégationnistes] Jim Crow.

D’après mon expérience, les personnes incarcérées font facilement le parallèle entre les deux systèmes de contrôle. Une fois libérées, elles sont souvent privées du droit de vote, exclues des jurys et condamnées à une existence de ségrégation raciale et de subordination. Une toile d’araignée faite de lois, de règlements et de règles informelles, puissamment renforcés par la stigmatisation sociale, les confine dans les marges de la société dominante et leur refuse l’accès à l’économie légale. Elle leur refuse également la possibilité d’obtenir un emploi, un logement, des prestations sociales, tout comme les Africains-Américains assignés à une citoyenneté ségréguée et de seconde classe à l’époque de Jim Crow.

Ceux d’entre nous qui ont observé ce monde à une distance confortable — tout en affichant de la compassion pour la détresse du « sous-prolétariat » [underclass] — tendent à interpréter l’expérience de ceux qui sont pris dans les filets du système judiciaire à travers une version popularisée des sciences sociales, attribuant l’augmentation sidérante des taux d’incarcération dans les communautés de couleur aux conséquences de la pauvreté, de la ségrégation raciale, des inégalités scolaires et des réalités, supposées, du marché de la drogue, « réalités » qui incluent la croyance erronée selon laquelle la plupart des dealers sont noirs ou latinos. […]

L’impact de [la] guerre [contre la drogue] a été considérable. En moins de trente ans, la population carcérale s’est envolée, passant d’environ 300 000 personnes à plus de 2 millions, les condamnations pour drogue étant responsables de l’essentiel de cette augmentation. Aujourd’hui, les États-Unis ont le taux d’incarcération le plus élevé du monde, surpassant de loin celui de presque tous les pays développés et surpassant même ceux de régimes répressifs comme la Russie, la Chine ou l’Iran. En Allemagne, on compte 93 détenus pour 100 000 habitants, adultes et mineurs confondus. Aux États-Unis, le taux est environ huit fois plus élevé, avec 750 détenus pour 100 000 habitants.

« Les États-Unis incarcèrent un plus grand pourcentage de sa population noire que l’Afrique du Sud au plus fort de l’apartheid »

Le trait le plus frappant de cette incarcération de masse est sa dimension raciale. Aucun autre pays dans le monde n’emprisonne autant ses minorités raciales ou ethniques. Les États-Unis incarcèrent un plus grand pourcentage de sa population noire que l’Afrique du Sud au plus fort de l’apartheid. A Washington, on estime que trois jeunes hommes noirs sur quatre (et presque tous dans les quartiers les plus pauvres) doivent s’attendre à faire de la prison. Des taux d’incarcération similaires existent dans les communautés noires du pays.

Ces fortes disparités ne peuvent être expliquées par le taux de criminalité liée à la drogue. Des études montrent que les gens de toutes les races consomment et vendent des drogues à des taux remarquablement semblables. Ces recherches indiquent même que les Blancs, en
particulier les jeunes Blancs, sont plus susceptibles de commettre des délits liés à la drogue que les gens de couleur. Ce n’est pourtant pas ce qu’on déduirait en pénétrant dans les prisons de ce pays, pleines à craquer de Noirs et de Latinos condamnés pour drogue. Dans certains États, les hommes noirs sont incarcérés pour des délits liés à la drogue vingt à cinquante fois plus que les Blancs. Et désormais, dans les grandes villes ravagées par la guerre contre la drogue, jusqu’à 80% des jeunes Africains-Américains ont un casier judiciaire qui les soumet à une discrimination légalisé pour le restant de leur vie. Ces jeunes hommes font partie d’une sous-caste en pleine expansion, qui fait en permanence l’aller-retour entre la prison et l’extérieur.

On pourrait s’étonner que la délinquance liée à la drogue fût en déclin quand la guerre fut déclarées. Mais une mise en perspective historique suffit à démontrer que l’absence de corrélation entre crime et châtiment n’est pas une nouveauté. […] Aujourd’hui, après une récente baisse, les taux de criminalité des États-Unis sont passés en dessous de la moyenne internationale. Pourtant, ce pays affiche fièrement un taux d’incarcération six à dix fois supérieur à celui des autres pays industrialisés , et cette hausse est directement imputable à la guerre contre la drogue.

« Ces jeunes hommes font partie d’une sous-caste en pleine expansion »

La dure réalité est que, pour des raisons presque sans rapport avec les véritables caractéristiques de la criminalité, le système judiciaire américain est devenu un système de contrôle social unique dans l’histoire mondiale. L’ampleur de ce système pourrait faire croire qu’il touche la plupart des Américains, mais ses cibles principales sont essentiellement définies sur une base racial. Le phénomène est d’autant plus étonnant si l’on songe qu’au milieu des années 1970, les plus éminents criminologues prédisaient la fin du système carcéral. De nombreux experts concluaient alors que la prison n’avait aucun effet dissuasif sur la délinquance. Ils constataient que les personnes ayant des opportunités économiques et sociales étaient peu susceptibles de commettre des délits, tandis que celles qui étaient emprisonnées étaient plus susceptibles d’en commettre de nouveau. La meilleure illustration de ce consensus parmi les experts fut la recommandation que la National Advisory Commission On Criminal Justice Standards and Goals fit en 1973 : « Aucun nouvel établissement pour adultes ne doit être construit et les établissements pour mineurs existants devraient être fermés. » Cette recommandation découlait de ce constat : « Tout ce à quoi la prison et les maisons de correction sont parvenues, c’est à un échec flagrant. Il existe des preuves accablantes que ces institutions créent de la criminalité plutôt qu’elles ne la préviennent. »

De nos jours, on trouve souvent loufoques les activistes qui en appellent à « un monde sans prisons ». Il y a quelques décennies, cependant, l’idée que notre société serait meilleure sans prisons, et que la fin des prisons était plus ou moins inévitable, était dominante dans le champ de la criminologie et inspira même une campagne nationale demandant un moratoire sur la construction de prisons. D’après Marc Mauer, le directeur du Sentencing Project, le plus remarquable, rétrospectivement, dans cette campagne pour le moratoire, est le panorama pénitentiaire de l’époque. En 1972, moins de 350 000 personnes étaient incarcérées contre plus de 2 millions aujourd’hui. Le taux d’incarcération était si bas qu’il semblait impossible, pour les partisans du moratoire, que le taux d’incarcération atteigne des niveaux très élevés. « Les partisans du moratoire, avance Mauer, peuvent être excusés d’avoir été si naïfs car l’expansion de la prison qui allait se produire était sans précédent dans l’histoire de l’humanité. »[…]

L’ampleur démesurée de la crise ne semble pas être appréciée à sa juste mesure. Aucun mouvement doté d’une base large ne tente de mettre un terme à l’incarcération de masse et aucun effort comparable à ceux employés en faveur de la discrimination positive n’est déployé contre cette incarcération. Au sein de la communauté des droits civiques subsiste encore une tendance à considérer que le système judiciaire n’est qu’une institution de plus infectée par les survivances des préjugés raciaux. En mai 2008 par exemple, sur le site Internet de la NAACP, on pouvait lire que « malgré les victoires passées dans le domaine des droits civiques les préjugés raciaux imprègnent encore le système judiciaire ». Les visiteurs du site étaient incités à rejoindre la NAACP afin de « protéger les droits civiques durement acquis au cours des trente dernières années ». En visitant ce site, personne ne pouvait apprendre que l’incarcération de masse des Africains-Américains avait déjà mis en pièce la plupart de ces acquis durement gagnés.

« L’incarcération de masse est la manifestation la plus néfaste de la réaction contre le mouvement des droits civiques »

Imaginez un instant que dans les années 1940, les organisations des droits civiques et les leaders africains-américains n’aient pas placé le ségrégationniste Jim Crow au premier rang de leur programme pour la justice raciale. Cela aurait semblé absurde tant la ségrégation raciale était le moteur du contrôle social racialisé à cette époque. Ce livre avance que l’incarcération de masse est le nouveau Jim Crow et que tous ceux qui se soucient de justice sociale devraient s’engager pleinement dans le démantèlement de ce nouveau système de castes raciales. L’incarcération de masse — et non les attaques contre la discrimination positive ou les problèmes d’application des lois sur les droits civiques — est la manifestation la plus néfaste de la réaction contre le mouvement des droits civiques. Le récit très répandu qui insiste sur la fin de l’esclavage ou de Jim Crow et célèbre le « triomphe sur la race » de la nation avec l’élection de Barack Obama est dangereusement trompeur. Le consensus autour de l’indifférence à la couleur de peau [colorblindness], c’est-à-dire la croyance selon laquelle la race n’a désormais plus d’importance, nous a aveuglés face aux réalités raciales de notre société et a facilité l’émergence d’un nouveau système de castes.

Ma façon de voir le système judiciaire a sans aucun doute beaucoup changé depuis le jour où je suis passé devant cette affiche orange vif agrafée à un poteau téléphonique. Pour moi, le nouveau système de castes est désormais aussi évident que le reflet de mon visage dans un miroir. A l’instar d’une illusion d’optique, dans laquelle l’image incrustée est impossible à voir tant ses contours n’ont pas été repérés, le nouveau système de castes se tapit invisible, dans le labyrinthe des rationalisations que nous avons développé pour expliquer la persistance des inégalités raciales. Il est possible, et même plutôt facile, de ne jamais voir cette réalité incrustée. Ce n’est qu’après des années passées à travailler sur la réforme du système judiciaire que ma perspective a finalement changé, et que l’inflexible système de castes m’est lentement apparu. Jusqu’à devenir évident. Il me semble curieux, désormais, de n’avoir pas réussi à le voir avant. […]

« Une fois libérés, les ex-détenus pénètrent dans un monde occulte de discrimination légale et d’exclusion sociale permanente »

Afin de comprendre la nature fondamentale de ce nouveau système de castes, il peut être utile de considérer le système judiciaire non pas comme un système indépendant mais plutôt comme une passerelle dans un système plus large de stigmatisation raciale et de marginalisation permanente. Ce système, que l’on appellera ici l’incarcération de masse, n’enferme pas uniquement des personnes derrière les barreaux de véritables prisons, mais également derrière des barreaux et des murs virtuels. Le terme d’incarcération de masse ne renvoie pas uniquement au système judiciaire mais également au réseau plus large de lois, de règlements, de politiques et de coutumes qui contrôle ceux qui sont étiquetés criminels, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des prisons. Une fois libérés, les ex-détenus pénètrent dans un monde occulte de discrimination légale et d’exclusion sociale permanente. Ils sont membres de la nouvelle sous-caste de l’Amérique.

Le mot de caste pourra sembler étrange ou inhabituel à certains. Les discussions publiques sur les castes raciales en Amérique sont relativement rares. Nous évitons de parler de castes dans notre société car nous avons honte de notre histoire raciale. Nous évitons également de parler de race. Nous évitons même de parler de classe. La réticence à discuter de la classe tient en partie à la tendance à imaginer que l’appartenance de classe reflète le caractère d’une personne. Un des éléments centraux de la façon dont l’Amérique appréhende la classe est la croyance, constamment infirmée, que n’importe qui, avec suffisamment de discipline et de volonté, peut s’élever des classes inférieures à une classe supérieure. Nous reconnaissons que la mobilité sociale peut être difficile, mais l’élément central de notre propre représentation collective est l’idée que l’ascension sociale est toujours possible, et ainsi que l’échec de quelqu’un à s’élever reflète son caractère. Par extension, l’échec d’un groupe racial à s’élever façonne très négativement l’image du groupe tout entier. […]

Le système opère à travers les institutions judiciaires mais il fonctionne plus comme un système de castes que comme un système de contrôle de la criminalité. Dans cette perspective, ladite « sous-classe » doit plutôt être définie comme une sous-caste : une caste inferieure d’individus que la loi et les coutumes excluent de façon permanente de la société dominante. Bien que ce nouveau système de contrôle social racialisé prétende être indifférent à la couleur de peau, il crée et maintient la hiérarchie raciale comme le faisaient les systèmes de contrôle antérieurs.

Cette idée peut étonner au vu de l’élection de Barack Obama. Et beaucoup se demanderont comment une nation qui vient d’élire son premier président noir pourrait avoir un système de castes raciales. C’est une question légitime. Mais comme nous l’expliquons dans le chapitre 6, à l’ère de l’indifférence à la couleur de peau, il n’y a pas la moindre contradiction entre l’élection de Barack Obama et l’existence d’un système de castes raciales. Le système de contrôle actuel dépend des exceptions noires ; ces dernières ne le disqualifient ou ne le sapent pas. D’autres se demanderont comment un système de castes raciales peut exister alors que la plupart des Américains, de toutes les couleurs, s’opposent à la discrimination raciale et font leur l’indifférence à la couleur de peau. Comme nous le verrons dans les pages qui suivent, les systèmes de castes raciales ne requièrent pas d’hostilité raciale ou de haine explicite pour prospérer. Ils ont seulement besoin d’indifférence raciale, comme Martin Luther King Jr. le signalait il y a plus de quarante-cinq ans.

PS : Passages extraits de la version française du livre :  ALEXANDER Michelle, La couleur de la justice : incarcération de masse et nouvelle ségrégation raciale aux États-Unis, Éditions Syllepse, 2017 (2010), pp.11-31.

Révoltes à Champ-Dollon

Article précedemment paru sur www.renverse.co

Hier, vendredi 3 avril, une quarantaine de personnes détenues à la prison de Champ-Dollon ont refusé de retourner dans leur cellule suite à la promenade. De nombreux journaux reprennent tel quel le communiqué de l’Office cantonal de la détention (OCD) publié dans la soirée. Il nous semble que plusieurs des informations essentielles à la compréhension de cette mobilisation n’ont pas été communiquées.

Nous étions sur place, entre 19h00 et 22h30, et ce qui n’apparaît nulle part dans la presse c’est que malgré le fait que nous étions tenu.e.s à grande distance par les barrages de police, les cris, les voix et les revendications des personnes détenues nous parvenaient parfaitement. Comment cela peut-il être passé sous silence par l’ensemble de la presse genevoise ?

Durant des heures et des heures des détenus ont protesté et crié leurs revendications. Croyez-nous, ce n’était pas les seules voix de 40 personnes qui retentissaient mais également celles des autres, probablement depuis leur cellule. Par ailleurs il n’y a rien d’étonnant à ce que le soutien à ceux dans la cour de promenade se soit fait depuis les cellules, au contraire… Ce qui est surprenant c’est que l’OCD, suivi largement par les médias, affirme que cet incident n’a concerné qu’une quarantaine de personnes.

Leurs voix étaient puissantes. Ces voix isolées, ces voix enfermées, ces voix auxquelles on essaie d’enlever toute humanité, retentissaient dans toute la campagne environnante. Et rien de plus fort et percutant que d’entendre autant de personnes crier en même temps, autant de personnes demander la « liberté », et ce, dans le contexte de crise sanitaire que nous vivons.

Le porte-parole de l’OCD se vante également que les visites n’aient pas été annulées. Ne pas annuler les parloirs relève simplement de la logique. Humanité ou peur des rébellions ? Seules les autorités pénales le savent, nous, avec ce que l’on sait des politiques pénales à Genève, on a nos doutes. Mais qu’importe, les visites sont un élément essentiel à la dignité et la vie d’un.e détenu.e (et de ses proches par ailleurs). Elles ont été maintenues tout en respectant les conditions sanitaires nécessaires, et pour cela nous n’avons rien à redire. Néanmoins, les personnes détenues se voient restreintes dans d’autres droits au nom de ce covid-19, et rien n’est mis en place pour permettre de simplifier les contacts avec l’extérieur en ces temps où l’on s’inquiète pour ses proches. L’OCD dans son communiqué continue de minimiser les revendications des détenus en prétendant que la principale portait sur l’interdiction de jouer au foot. Mais nous, celle que nous avons entendue majoritairement était bien plus vitale…

La liberté !

Celle qu’iels ont criée et revendiquée durant des heures, hier. Celle qui semble être la mesure la plus logique et efficace pour éviter une catastrophe sanitaire. Celle qui leur est catégoriquement refusée. Celle que continuent d’exiger de nombreuses associations, des juristes et avocat.e.s, des partis politiques, etc.

Aux infos on apprend quotidiennement que de nombreux gouvernements comme celui de l’Iran, de la France, du Soudan, de l’Indonésie, de l’Arabie-Saoudite, entre autres, libèrent leurs prisonnier.e.s. Pendant ce temps, à Genève, où se trouve l’une des prisons les plus surpeuplées d’Europe (!), une des prisons où la majorité des personnes y sont pour des questions de papiers ou de petits délits, de peines préventives, une prison où certain.e.s ont déjà accompli la moitié de leur peine, la politique pénale reste en ce sens inébranlable. Quoi qu’il en soit, et qu’importe la violence de cette crise sanitaire, selon Olivier Jornot (procureur général) « personne ne sort qui ne devrait pas sortir » !

Pourtant, les revendications de toute part – des organisations contre la torture, pour les droits humains, d’Amnesty international, de l’observatoire international des prisons et des avocat.e.s – exigent l’application la plus indulgente de la loi, et l’application de la prison ferme en dernier recours, suivant le principe de proportionnalité, soit ultima ratio, un des principes fondateurs du droit pénal…

Un autre élément complètement tu par le communiqué de l’OCD et donc par la presse est celui du résultat des négociations entretenues entre les détenu.e.s et les autorités de la prison. Comment les personnes sont-elles finalement retournées dans leur cellule ? Ont-elles été d’accord de les réintégrer ou ont-elles été forcées à le faire ? Ont-elles obtenu quelque chose ? Ou plutôt ont-elles été menacées ?

Nous tenons aussi à rappeler que se rebeller en prison est un acte comportant d’énormes risques pour les personnes détenues. La répression est immense, et il arrive même fréquemment que des détenu.e.s soient tabassé.e.s voire même abattu.e.s par les forces de l’ordre durant l’intervention pour réprimer la mutinerie.

Pour cela, nous ne laisserons rien se passer dans ces prisons. De dehors nous vous observons, de dehors nous les avons entendus, de dehors nous tâcherons de restituer ce que nous pouvons comprendre des revendications des personnes détenues, malgré ces murs qui nous séparent.

Des tonnes de pensées à chaque personne en détention !

PS : Dans l’article du Courrier il est également indiqué par un agent de détention que : “le groupe d’intervention de la police étant désormais munis de tenues militaires peut avoir confondu les observateurs extérieurs”. Cette remarque, loin d’être anodine aurait mérité davantage d’informations.

Les prisons sont obsolètes

Ci-dessous un extrait de l’ouvrage d’Angela Davis, Les prisons sont-elles obsolètes, publié en 2003. Dans ce livre, elle analyse le système carcéral, en décryptant ses origines, son histoire. Elle met en lumière les fondations racistes, classistes et sexistes du système carcéral et démontre comment le système économique libéral et tout particulièrement les entreprises tirent profit de l’enfermement des êtres humains incarcérés.

Évidemment le contexte dans lequel écrit Angela Davis n’est pas celui de la Suisse, toutefois si son propos ne peut s’appliquer exactement à notre territoire de lutte les principes sont les mêmes. Les prisons sont une problématique mondiale, la remise en question de cet outil de l’Etat doit être mondiale.

L’intégralité du texte se trouve ici, et nous vous le recommandons fortement; mais nous avons choisi de partager ici le dernier chapitre “alternatives abolitionnistes”, qui répond à une question fréquente dans les débats anti-carcéraux, à savoir : quelles alternatives à la prison?

« Oubliez les réformes carcérales ; il est temps d’évoquer l’abolition des prisons dans la société américaine. […] Mais une minute – l’abolition ? Où va-t-on mettre les prisonniers, les « criminels » ? Quels sont les autres choix possibles ? D’abord, même si nous n’avions aucun autre choix, cela engendrerait moins de crimes que ne le font actuellement les centres de formation criminelle. Deuxièmement, la seule véritable alternative serait de construire une société qui n’ait pas besoin de prisons. Une redistribution honnête du pouvoir et des richesses pour éteindre le feu caché de l’envie qui embrase tous les crimes liés à la possession – qu’il s’agisse des vols commis par les pauvres ou des détournements de fonds perpétrés par les riches. Et un sens profond de la communauté capable de soutenir, de réintégrer et de réhabiliter tous ceux qui se sentent soudain envahis par la rage ou le désespoir, et de les regarder non pas comme des objets – des « criminels » – mais comme des individus ayant enfreint la loi, comme c’est le cas de la plupart d’entre nous. » Arthur Waskow, Institute for Policy Studies [1]

Si on supprime les prisons, par quoi alors les remplacer ? Telle est la question piège qui souvent coupe court à toute tentative de réflexion poussée sur les visées abolitionnistes. Pourquoi serait-il si difficile d’imaginer des solutions alternatives à notre système d’incarcération ? Un certain nombre de raisons expliquent notre résistance à l’idée qu’il serait possible de façonner un système de justice entièrement différent – et plus égalitaire. Premièrement, nous considérons notre système pénal, avec sa dépendance démesurée à la prison, comme une norme absolue ; nous avons donc le plus grand mal à envisager d’autres solutions pour traiter le cas des quelque deux millions de personnes actuellement incarcérées dans les prisons fédérales et d’État, les établissements correctionnels pour mineurs et les centres de détention pour migrants. L’ironie, c’est que même les opposants à la peine capitale considèrent souvent l’emprisonnement à perpétuité comme une solution de remplacement raisonnable. S’il est bien sûr indispensable de supprimer les condamnations à mort, nous devons être attentifs à la manière dont ces campagnes tendent à reproduire les vieux schémas historiques ayant permis l’émergence de la prison comme mode de châtiment principal. La peine de mort a coexisté avec la prison alors que celle-ci était censée représenter une alternative aux punitions corporelles et capitales. Il y a là une dichotomie majeure. Pour la combattre, il serait peut-être intéressant de relier les objectifs des campagnes contre la peine capitale aux stratégies pour l’abolition carcérale.

Il est vrai qu’en restant aveuglément focalisés sur le système actuel – et sans doute est-ce la raison pour laquelle nous partons du principe que la perpétuité est l’unique alternative à la peine capitale –, il est très difficile d’imaginer un système structurellement similaire permettant de gérer une population aussi considérable de délinquants. Pourtant, il suffit d’éloigner notre regard de la prison, perçue à tort comme une institution isolée, pour nous intéresser au vaste réseau de liens qui régit le complexe carcéro-industriel et entrevoir ainsi plus aisément une pluralité de propositions. En d’autres termes, un cadre d’analyse élargi pourrait nous fournir des pistes plus nombreuses que si nous nous bornons à rechercher la solution de remplacement unique au système carcéral. La première étape consisterait donc à renoncer à la quête utopique d’une méthode punitive qui remplirait exactement les mêmes fonctions que la prison.

Il ne s’agirait pas de rechercher des substituts similaires à la prison, comme par exemple l’assignation à résidence avec bracelet électronique, mais plutôt de réfléchir à un continuum de solutaions permettant d’éviter l’incarcération : démilitarisation des écoles, revitalisation de l’éducation à tous les niveaux, mise en place d’un système de santé dispensant des soins médicaux et psychiatriques gratuits et instauration d’un système judiciaire basé sur la réparation et la réconciliation plutôt que sur la rétribution et la vengeance.

Depuis les années 1980, le système carcéral est de plus en plus imbriqué dans la vie économique, politique et idéologie des États-Unis ainsi que dans la distribution internationale des marchandises, de la culture et de l’idéologie états-uniennes. Par conséquent, le complexe carcéro-industriel représente bien plus que la somme de toutes les prisons de notre pays. C’est un réseau de liens symbiotiques tissé entre les communautés pénitentiaires, les sociétés multinationales, les conglomérats des médias, les syndicats de gardiens de prison et les institutions législatives et judiciaires. S’il est vrai que notre acception actuelle du châtiment est façonnée par ces interrelations, alors les stratégies abolitionnistes les plus efficaces se doivent de les dénoncer et de proposer des solutions pour les démanteler. Quels moyens nous donnons-nous d’imaginer un système dans lequel le châtiment ne pourrait pas devenir source de profit capitaliste ? Comment concevoir un projet de société dans laquelle la race et la classe ne seraient pas les déterminants prioritaires du châtiment ? Une société où la justice ne s’exercerait plus autour du souci central du châtiment ?
La réponse abolitionniste à ces questions consiste à imaginer une constellation de stratégies et d’institutions dont l’objectif serait de faire disparaître la prison du paysage social et idéologique de notre société. Autrement dit, il ne s’agirait pas de rechercher des substituts similaires à la prison, comme par exemple l’assignation à résidence avec bracelet électronique, mais plutôt de réfléchir à un continuum de solutions permettant d’éviter l’incarcération : démilitarisation des écoles, revitalisation de l’éducation à tous les niveaux, mise en place d’un système de santé dispensant des soins médicaux et psychiatriques gratuits et instauration d’un système judiciaire basé sur la réparation et la réconciliation plutôt que sur la rétribution et la vengeance.

La création d’institutions nouvelles susceptibles d’occuper le terrain pour l’instant monopolisé par le carcéral pourrait contribuer peu à peu au désengorgement des prisons, dont l’empreinte se réduirait ainsi dans notre paysage social et psychique. C’est pourquoi l’école peut être considérée comme l’alternative la plus efficace au pénitencier. Tant que les établissements scolaires dans les communautés de couleur paupérisées ne seront pas débarrassés des structures de répression qui y ont été mises en place (notamment la présence de gardes et de policiers armés) et transformés en lieux qui transmettent véritablement l’envie d’apprendre, ils resteront le plus sûr chemin vers la prison. L’idée serait donc de transformer l’école en un vecteur de décarcération. Concernant notre système de santé, il est important de souligner le manque flagrant d’institutions accessibles aux personnes pauvres souffrant de troubles émotionnels et mentaux. On compte actuellement plus de malades mentaux en prison que dans les établissements psychiatriques. Cet appel à la construction d’établissements conçus spécialement pour aider les plus pauvres ne doit en aucun cas être interprété comme une volonté de revenir à l’ancien système de soins psychiatriques, lequel était – et demeure encore sous bien de nombreux aspects – aussi répressif que la prison. Il s’agit simplement d’affirmer la nécessité d’éradiquer les disparités de race et de classe sociale dans l’accès aux soins afin de créer un vecteur de décarcération supplémentaire.
En résumé, plutôt que d’imaginer une seule alternative possible au système punitif actuel, nous pourrions réfléchir à un faisceau de dispositifs exigeant une transformation radicale de nombreux aspects de notre société. Les solutions qui éludent la question du racisme, du machisme, de l’homophobie, des préjugés liés à la classe sociale et d’autres structures de domination ne permettront pas, au final, d’aller vers un désengorgement des prisons et ne feront nullement avancer le programme abolitionniste.
Dans ce contexte, il paraît logique de considérer la dépénalisation de la drogue comme élément essentiel d’une stratégie d’ensemble visant simultanément à contrer les structures racistes au sein du système pénal et à favoriser la décarcération. Ainsi, parallèlement à la dénonciation du rôle joué par la soi-disant « guerre contre la drogue » dans l’incarcération massive de personnes de couleur, les propositions pour la dépénalisation de la drogue doivent s’accompagner d’un ensemble de programmes gratuits de proximité et accessibles à toutes les personnes qui le souhaitent. Je ne veux pas dire que tous les consommateurs de drogue – ou seuls les consommateurs de drogues illicites – ont besoin d’aide. Cependant, tout individu souhaitant vaincre sa dépendance aux stupéfiants devrait avoir accès à des traitements adaptés, quel que soit son statut économique.

Les institutions spécialisées dans le traitement des troubles de l’addiction sont déjà accessibles aux citoyens les plus aisés. La plus célèbre d’entre elles aux États-Unis est la clinique Betty Ford qui, d’après son site Internet, « accueille les patients dépendants à l’alcool et aux substances psychoactives. Les consultations sont ouvertes à toute personne, homme ou femme, âgée de plus de 18 ans sans la moindre distinction de race, de confession religieuse, de sexe, de nationalité ou de ressources économiques. » Cependant, le tarif journalier pour les six premiers jours de soins s’élève à 1 175 dollars, puis à 525 dollars. Pour les patients ayant besoin d’un mois de traitement, le coût total avoisine donc les 19 000 dollars, soit presque deux fois le salaire annuel d’une personne touchant le salaire minimum.
Les pauvres devraient eux aussi avoir accès volontairement à des programmes de traitement efficaces contre l’addiction aux stupéfiants. Comme le centre Betty Ford, les établissements qui les accueillent ne devraient pas dépendre du système pénal. Comme au centre Betty Ford, les membres de la famille devraient être autorisés à s’impliquer dans le processus thérapeutique. Mais contrairement au centre Betty Ford, la prise en charge devrait être gratuite. Pour que les stratégies de lutte antidrogue puissent véritablement compter parmi les « alternatives abolitionnistes », elles ne devraient pas s’appuyer sur l’emprisonnement comme ultime recourt – contrairement aux programmes de désintoxication actuels, auxquels les individus sont « condamnés » sous injonction de justice.
La campagne pour la dépénalisation des stupéfiants – de la marijuana à l’héroïne – ne connaît pas de frontières et a amené des nations comme les Pays-Bas à réviser leurs lois en la matière pour légaliser la consommation personnelle de drogues douces comme la marijuana et le haschich. Les Pays-Bas sont également des pionniers de la légalisation du travail sexuel, autre domaine ayant fait l’objet de campagnes massives de dépénalisation. Il suffirait de supprimer toutes les lois pénalisant la consommation de drogue et la vente de services sexuels – à ce titre, la fin de la prohibition de l’alcool est un exemple pertinent. Cette double dépénalisation ferait considérablement progresser le projet de décarcération (autrement dit la réduction significative du nombre de personnes condamnées à des peines de prison) dans le but de démanteler à terme le système carcéral en tant que mode de châtiment principal. L’autre tâche qui incombe aux abolitionnistes carcéraux est d’identifier les autres comportements dont la dépénalisation permettrait d’effectuer un pas supplémentaire dans ce sens.
L’un des aspects les plus évidents et urgents de cette démarche de dépénalisation concerne les droits des migrants. Le nombre croissant d’individus incarcérés en prison ou dans des centres de détention pour migrants – surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001 – peut être réduit en mettant fin au processus de criminalisation des personnes ayant franchi les frontières états-uniennes sans papiers. Les campagnes appelant à la fin des poursuites contre ces migrants illégaux contribuent de manière significative à la lutte contre le complexe carcéro-industriel, contre le racisme et la domination masculine. Quand les femmes originaires de l’hémisphère sud se retrouvent emprisonnées, au lieu de se voir accorder le statut de réfugiées, pour être entrées sur le territoire états-unien afin d’échapper à des violences sexuelles, cela renforce la tendance générale à sanctionner les personnes persécutées dans leur quotidien en raison de la pandémie de violence qui continue d’être légitimée par nos structures idéologiques et légales.
Aux États-Unis, certains s’appuient sur le « syndrome de la femme battue » pour affirmer qu’une femme tuant un époux ou un compagnon violent ne devrait pas être inculpée de meurtre. Cette affirmation a été abondamment critiquée, à la fois par les détracteurs et les défenseurs du féminisme : les premiers refusent de reconnaître la banalité et l’horreur des violences conjugales, tandis que les seconds contestent l’idée selon laquelle les femmes qui tuent leur tortionnaire ne seraient pas responsables de leurs actes. La réponse des mouvements féministes – quelle que soit la diversité de leurs positions sur le syndrome de la femme battue – est que la violence conjugale est un problème de société omniprésent et complexe qui ne peut être résolu en emprisonnant les femmes qui se défendent contre leur bourreau. Par conséquent, la mise en place de stratégies de lutte contre ces violences – aussi bien dans le cadre de la vie privée que dans les rapports entre les femmes et l’État – devrait particulièrement nous mobiliser.

Les propositions que j’ai énumérées jusqu’à présent (et la liste est non exhaustive : on pourrait également parler de l’emploi et de la revalorisation des salaires, des solutions de remplacement des services sociaux dévastés, de l’accès aux loisirs dans les quartiers défavorisés, et j’en passe) sont liées directement ou indirectement à notre système actuel de justice pénale. Mais toutes ont pour objectif de diminuer l’impact du complexe carcéro-industriel sur notre vie. Comme elles contestent le racisme et les autres outils de domination sociale, leur mise en œuvre contribue certainement au projet abolitionniste de désincarcération.
En élaborant des stratégies de décarcération et en tissant un vaste réseau de solutions alternatives, nous travaillons à la déconstruction idéologique du lien conceptuel entre crime et châtiment. Une compréhension plus nuancée de l’impact social du système punitif exige en effet de renoncer à notre conception habituelle du châtiment en tant que conséquence inévitable du crime. Nous pourrions alors reconnaître que le « châtiment » n’est pas la suite logique du « crime » dans le cadre ordonné d’un discours sur la justice de l’emprisonnement, mais plutôt qu’il a partie liée – surtout en ce qui concerne la prison (et la peine capitale) – avec les intérêts politiques, la quête de profit des grandes entreprises et l’exploitation médiatique de la criminalité. L’emprisonnement est étroitement lié à la race des individus les plus susceptibles de se retrouver devant un tribunal. Il est également indissociable de la notion de classe sociale et, comme nous l’avons vu, structure le système punitif sur une base genrée. Si nous démontrons que les alternatives abolitionnistes perturbent ces interrelations et qu’elles s’efforcent de désarticuler les liens crime/châtiment, race/châtiment, classe sociale/châtiment et genre/châtiment, alors nous cesserons de voir la prison comme une institution isolée pour prendre en compte toutes les connexions sociétales qui favorisent son maintien.

Cet effort pour créer un nouveau terrain conceptuel permettant d’imaginer les solutions alternatives à l’emprisonnement implique de s’interroger sur les raisons idéologiques pour lesquelles les « criminels » ont été constitués en tant que classe – et, qui plus est, une classe qui ne mériterait pas de jouir des droits civiques et humains accordés aux autres citoyens. Les criminologues radicaux ont souligné depuis longtemps que la catégorie des « délinquants » recouvre bien plus que les individus officiellement reconnus comme des criminels, puisque chacun de nous a déjà enfreint la loi à un moment donné de son existence. Même le président Clinton a reconnu avoir déjà fumé de la marijuana, en insistant toutefois sur le fait qu’il n’avait pas inhalé la fumée. Cependant, les disparités avérées dans l’intensité de la surveillance policière – comme démontré dans les faits d’actualité par la récurrence du « profilage racial » – expliquent en partie les disparités liées à la race et à la classe sociale dans les taux d’arrestation et d’incarcération. Par conséquent, si nous sommes prêts à analyser sérieusement les effets de notre système de justice basé sur la race et la classe sociale, nous verrons que d’énormes quantités d’individus sont en prison pour la seule raison qu’ils sont noirs, chicanos, vietnamiens, amérindiens ou simplement pauvres, toutes origines ethniques confondues. Ces gens atterrissent en prison non pas tant pour les crimes qu’ils ont, en effet, peut-être commis, mais parce que leur communauté d’origine est criminalisée. Les programmes de dépénalisation devront non seulement permettre d’assouplir les lois relatives à certaines pratiques – consommation de drogue et travail sexuel, notamment – mais aussi de décriminaliser certaines populations et communautés.

Dans le contexte de ces alternatives abolitionnistes, il paraît logique de s’intéresser à la question des transformations nécessaires au cœur même de notre système judiciaire. Au-delà de la diminution du nombre de comportements susceptibles d’amener les citoyens au contact des autorités policières et judiciaires se pose également la question du traitement réservé à ceux qui portent atteinte à l’intégrité physique ou aux biens d’autrui. De nombreux organismes et individus, aux États-Unis comme dans le reste du monde, proposent d’autres modes possibles d’exercice de la justice. Dans certains cas bien précis, des gouvernements ont tenté de mettre en place des solutions alternatives allant de la résolution de conflit à la justice réparatrice ou restauratrice. Des chercheurs comme Herman Bianchi ont avancé l’idée que le crime devait être défini en termes d’actes délictuels et que la loi réparatrice devait remplacer la loi criminelle. Pour reprendre ses termes, « [celui ou celle qui enfreint la loi] n’est plus, par conséquent, une personne mauvaise, mais un débiteur, un être redevable dont le devoir en tant qu’humain est de reconnaître la responsabilité de ses actes et d’en assumer la réparation [2] ».
Il existe un corpus florissant consacré à la refonte de nos systèmes de justice autour des stratégies de réparation plutôt que de rétribution ; de même, il existe un faisceau de preuves grandissant des avantages de ces approches judiciaires et de leur potentiel démocratique. Plutôt que de répéter les mêmes débats de ces dernières décennies – dont la lancinante question : « Que vont devenir les assassins et les violeurs ? » –, je préfère conclure en citant un très bel exemple de démarche de réconciliation réussie. Je veux parler du cas d’Amy Biehl, une Californienne originaire de Newport Beach assassinée par de jeunes sud-africains à Gugulethu, un bidonville noir situé près de Cape Town.
En 1993, alors que l’Afrique du Sud était sur le point d’abolir l’apartheid, Amy Biehl, une étudiante inscrite dans un programme international d’échange avec une université sud-africaine, participait activement à la reconstruction du pays. Nelson Mandela avait été libéré en 1990 mais n’avait pas encore été élu président. Le 25 août, la jeune femme raccompagnait ses amis noirs à Gugulethu quand son véhicule fut ciblé par un groupe d’individus qui se mirent à crier des slogans anti-Blancs ; elle fut lapidée et poignardée à mort. Quatre des hommes ayant participé à l’attaque furent reconnus coupables de meurtre et condamnés à dix-huit ans de prison. En 1997, Linda et Peter Biehl, les parents d’Amy, décidèrent de soutenir les demandes d’amnistie présentées par les assassins de leur fille à la commission vérité et réconciliation. Les quatre coupables présentèrent leurs excuses aux parents d’Amy et furent relâchés en 1998. Deux d’entre eux – Easy Nofemala et Ntobeko Peni – exprimèrent le souhait de rencontrer les Biehl qui acceptèrent, en dépit des pressions de leur entourage [3]. Nofemela (c’est lui qui le raconte) ressentait le besoin de s’excuser davantage pour le meurtre d’Amy qu’il n’avait pu le faire lors des audiences de la commission Vérité et réconciliation. « Je sais que vous avez perdu quelqu’un que vous aimiez, leur déclara-t-il lors de cette entrevue. Je vous demande de me pardonner et de m’accepter comme votre enfant. [4] »
Les Biehl, qui avaient créé la Fondation Amy Biehl après la mort de leur fille, demandèrent aux deux jeunes hommes de travailler pour l’antenne locale de la fondation à Gugulethu. Peni devint administrateur, et Nofemela moniteur de sport. En juin 2002, ils accompagnèrent Linda Biehl à New York pour intervenir avec elle devant l’académie américaine de thérapie familiale sur le thème de la justice restauratrice et réparatrice. Dans une interview accordée au Boston Globe, Linda Biehl, à qui on demandait ce qu’elle ressentait vis-à-vis de ces hommes qui avaient assassiné sa fille, expliqua : « J’ai beaucoup d’amour pour eux. » Après la mort de Peter Biehl en 2002, elle leur acheta à chacun un terrain en mémoire de son mari afin qu’ils puissent y faire construire leur propre maison [5]. Quelques jours après les attentats du 11 septembre, les Biehl avaient été invités à prendre la parole dans une synagogue de leur communauté. Pour reprendre les propos de Peter Biehl à cette occasion : « Nous nous efforçons d’expliquer que parfois, il est plus payant de se taire, d’écouter ce que les autres ont à dire et de se demander Pourquoi ces choses horribles nous arrivent-elles ? plutôt que d’être simplement dans la réaction. [6] »

[1] Arthur Waskow (résident), Institute for Policy Studies, Saturday Review, 8 janvier 1972, cité dans Fay Honey Knopp, Instead of Prisons : A Handbook for Abolitionists, Prison Research Education Action Project, Syracuse, New York, 1976, pp. 15-16.

[2] Herman Bianchi, « Abolition : Assensus and Sanctuary » in Herman Bianchi et René Swaaningen (ed.), Abolitionism : Toward a Non-Repressive Approach to Crime, Free University Press, Amsterdam, 1986, p. 117.

[3] L’anthropologue Nancy Schepper-Hughes a évoqué ce dénouement stupéfiant le 24 septembre 2001 lors d’une conférence à l’université de Berkeley intitulée « Un-Doing : The Politics of the Impossible in the New South Africa ».

[4] Bella English, « Why Do They Forgive Us », Boston Globe, 23 avril 2003.

[5] Ibid.

[6] Gavin Du Venage, « Our Daughter’s Killers Are Now Our Friends », The Straits Times, Singapour, 2 décembre 2001.

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Tribunaux et SAPEM

Le Tribunal pénal

A Genève, le Tribunal pénal est composé de plusieurs tribunaux:

 
1. Le Tribunal de Police (TPol)
2. Le Tribunal correctionnel (TCorr)
3. Le Tribunal criminel (TCrimi)
4. Le Tribunal des mesures de contrainte (TMC)
5. Le Tribunal d’application des peines et mesures (TAPEM)

1. Le Tribunal de Police juge en première instance les auteur·es d’infractions pénales pour lesquelles le Ministère public requiert une amende, une peine pécuniaire, un travail d’intérêt général ou une peine privative de liberté de 2 ans maximum.

 

2. Le Tribunal correctionnel juge en première instance les auteur·es d’infractions pénales pour lesquelles le Ministère public requiert une peine privative de liberté supérieure à 2 ans, mais ne dépassant pas 10 ans.

 

3. Le Tribunal criminel juge en première instance les auteurs d’infractions pénales pour lesquelles le Ministère public requiert une peine privative de liberté de plus de 10 ans.

 

4. Le Tribunal des mesures de contrainte est le Tribunal qui va notamment s’occuper de confirmer ou d’infirmer (on espère !) la décision de mise en détention provisoire prononcée par le Ministère public.

 
5. Le Tribunal d’application des peines et mesures est le Tribunal qui va s’occuper d’octroyer ou non la libération conditionnelle (au minimum dès les 2/3 de la peine privative de liberté). Pour obtenir la conditionnelle il faudrait avoir une attitude plutôt bonne au sein de la prison (pas trop de sanctions internes), un plan de réinsertion à sa sortie de prison, une adresse où vivre. Dans la pratique, le TAPEM n’aime pas octroyer une deuxième conditionnelle (bien que ceci se fasse quand même). Pour les personnes sans statut légal en Suisse, la conditionnelle peut être octroyée, notamment si la personne accepte son renvoi de Suisse. La demande de conditionnelle est faite par les personnes en détention (parfois accompagnée de leur avocat·es) au moyen d’un formulaire du SAPEM (Service d’application des peines et mesures) qu’iles doivent remplir et renvoyer.
 
 

Les autres tribunaux

 
Le Tribunal administratif pénal (TAF) est un tribunal de dernière instance pour les procédures d’asile notamment.
 
Le Tribunal fédéral (TF) est la dernière instance où il est possible de faire appel au niveau fédéral.
 
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est la dernière instance où il est possible de faire appel en cas de violation de droits humains prévus par la Convention européenne des droits de l’homme.
 

Le SAPEM

 A Genève, c’est le Service d’Application des peines et des mesures (SAPEM) qui est chargé d’appliquer les décisions de justice et d’en déterminer les modalités d’application: lieu de détention, octroi de congés, changement de régime de détention (régime fermé, semi-ouvert, ouvert).

La Clairière

La Clairière est la prison pour personnes mineures (moins de 18 ans).
À la Clairière, les matons sont des éducateurices.

Normalement, si la personne détenue a de la famille en Suisse, elle est contactée dès que lae jeune arrive à la prison.

VISITES

Pour rendre visite à une personne à La Clairière, il faut faire une demande auprès du Tribunal des Mineurs. Pour cela, il faut aller au guichet du Tribunal des mineurs, avec une pièce d’identité (valide), pour remplir le formulaire de demande de visite. Le Tribunal des Mineurs se trouve à la rue des Chaudronniers 7, 1204 Genève. Tél : 022/327.60.10

Une fois la demande de visite envoyée, il faut appeler La Clairière (+41 22 5468720) mininum 48 heures avant, pour prendre rendez-vous pour la visite.
Les horaires des visites sont :
du lundi au vendredi : de 18h30 à 19h30
le week-end : de 14h à 15h ou de 15h15 à 16h15

Une heure de visite par semaine est autorisée.

ARGENT

Les mineur.e.s détenu.e.s peuvent seulement s’acheter des cigarettes depuis l’intérieur de la prison. Ils et elles n’ont pas besoin d’argent pour d’autres achats à la cantine.
L’argent peut être déposé à la réception de la prison à la fin de la visite ou tous les jours de 9h à 11h30 et de 13h30 à 18h30.
Il est interdit de donner de l’argent en mains propres à un mineur lors des visites, de mettre de l’argent dans un colis ou d’envoyer des billets dans une lettre, par la poste. Les virements bancaires ne sont pas possibles.

ÉCRIRE

Vous pouvez écrire à la personne détenue à La Clairière en envoyant une lettre, à l’adresse :

Madame / Monsieur [Prénom] [Nom]
Centre éducatif de détention et d’observation La Clairière
Route de Satigny 27
1214 Vernier

Il est obligatoire de mentionner votre nom et prénom au verso de l’enveloppe (mentionner l’expéditeur.ice).
Attention, toutes les lettres sont relues par la Clairière, ne mentionnez aucune information qui pourrait être utilisée contre la personne détenue dans la procédure judiciaire ou dans la prison.

Vous pouvez mettre dans l’enveloppe une ou plusieurs photos. Si vous avez une adresse en Suisse, il est possible d’envoyer des cartes postales gratuitement, par l’application PostCard Creator (https://play.google.com/store/apps/details?id=ch.post.it.pcc&hl=fr). Grâce à cette application vous pouvez envoyer des photos, gratuitement, une fois par jour (une toutes les 24h) !

COLIS

En principe, la personne détenue reçoit des habits et des produits d’hygiène à son arrivée. Les habits et affaires personnelles ne sont pas autorisés.

Il est possible de livrer un colis pour la personne détenue, une fois par semaine, d’un poids maximum de 1kg. Liste des produits autorisés : https://www.ge.ch/document/15429/telecharger

Attention tous les produits doivent être dans un récipient transparent en plastique. Ils ne doivent pas contenir de : alcool, acétone, ammoniaque, acide, gaz aérosol.
Les produits alimentaires cuits ou crus et les plats déjà prêts (fast food, …) sont interdits.

Vous pouvez déposer le colis directement à La Clairière, tous les jours de 9h à 11h30 et 13h30 à 18h30, lors d’une visite ou non, ou par colis postal à l’adresse (ne pas oublier de mentionner l’expéditeur) :
Madame / Monsieur [Prénom] [Nom]
Centre éducatif de détention et d’observation La Clairière
Route de Satigny 27
1214 Vernier

TELEPHONE

Il n’est a priori pas possible de parler directement à la personne détenue, mais les éducateurs et éducatrices à l’intérieur peuvent normalement faire passer des messages. Autrement, la personne détenue peut faire une demande pour appeler ses proches depuis l’intérieur.

Ministère public

Le Ministère public est la première autorité (après la police si la personne a été arrêtée) avec laquelle la personne détenue va être en contact. Les procureur·es s’occupent d’instruire le dossier. Il y a deux possibilités :
 
1. la personne est relâchée avec ou sans suite pénale
2. la personne est placée en détention préventive ou pour des motifs de sûreté
 
1. La personne peut être relâchée sans aucune suite pénale ou avec la notification d’une ordonnance pénale (papier bleu à Genève). Cette ordonnance pénale (généralement remise en main propre ou au domicile communiqué) condamne la personne pour une peine pouvant s’élever jusqu’à six mois de peine privative de liberté. Il est possible de s’opposer à une ordonnance pénale (voilà un site qui aide à faire une opposition : https://ordonnance-penale.ch/). L’opposition n’a pas besoin d’être motivée et doit être faite dans les 10 jours par recommandé. Gardez une photocopie (ou photo) de l’opposition signée et du ticket du recommandé.
L’opposition à une ordonnance pénale peut être retirée à n’importe quel moment de la procédure. Faire opposition à son ordonnance pénale va faire augmenter de 250.- les frais de procédure pénale (frais administratifs qui peuvent donner lieu à des poursuites en cas de non-paiement). Par la suite, le Ministère public convoque la personne pour une « comparution » afin qu’elle motive oralement son opposition (il est conseillé de s’y rendre en compagnie d’un·e avocat·e). À la suite de cette comparution le Ministère public peut soit classer, soit maintenir l’ordonnance pénale, soit rendre une nouvelle ordonnance pénale et transmettra le dossier auTribunal de police (cf plus bas). 
 
2. La détention préventive est justifiée, selon le Ministère public, sil y a un risque de fuite, de collusion ou de réitération (d’une infraction). Pour les personnes sans statut légal (ou sans adresse de résidence en Suisse), la détention préventive est systématiquement retenue par le Ministère public pour « risque de fuite ». La détention préventive est prononcée pour une durée maximum de trois mois. Une fois prononcée, il faut faire une demande de mise en liberté devant le Tribunal des mesures de contraintes (TMC), demande qui doit être traitée dans les 72 heures. La détention préventive peut être prolongée par le Ministère public tant que le risque de fuite, de collusion ou de réitération continue et ceci aussi longtemps que le Ministère public aura besoin d’enquêter sur l’infraction/les infractions prétendumment commises. Un recours est possible devant la Chambre pénale de recours dans un délai de 10 jours.
Pour la suite de la procédure, elle sera convoquée par le Tribunal de police, correctionnel ou criminel (cf informations qui suivent).