Communiqué de presse: canicule et grève à la Brénaz

Cela fait maintenant plus d’un mois que l’alerte a été lancée sur les conditions de détention en cette période de canicule. L’épisode caniculaire actuel est plus important que celui du mois de juin et va encore au moins perdurer jusqu’au premier août (selon météosuisse). Cette situation ne fait qu’augmenter notre inquiétude quant à la santé et la dignité des détenuexs.

ABSENCE DE MESURES PRISES PAR LES AUTORITÉS

Depuis notre communiqué de presse du 19 juin, aucune mesure ne semble avoir été mise en place dans les différents lieux d’enfermement à Genève et plus largement en Suisse afin de parer aux températures extrêmes.

Contacté, le Service du Médecin Cantonal – autorité qui déclare les plans canicules – a indiqué n’avoir pas pris de mesures spécifiques aux détenuexs et que c’était l’Office cantonal de la détention qui serait compétent.

L’Office cantonal de la Détention n’a, à notre connaissance pris aucune mesure concrète pour réduire la chaleur dans les cellules. Nous ne pouvons nous contenter des réponses succintes et non vérifiables
données et notamment des relevés de température effectués à 7 heures du matin qui ne sont en rien indicatives de la température réelle dans les cellules des prisons.

Nous dénonçons ce silence des autorités qui mettent en danger des vies, en les enfermant et en les maintenant dans des chaleurs épouvantables.

ETAT DES LIEUX À CHAMP-DOLLON

Selon les informations que nous avons pu obtenir de personnes détenues, les cellules de Champ-Dollon possèdent une seule fenêtre dont seule une petite partie peut s’ouvrir et elle est recouverte d’un
fin grillage qui rend le passage de l’air difficile. Un maximum de deux ventilateurs est mis à disposition par cellule surpeuplée (6 personnes dans des cellules prévues pour 4) et les détenuexs sont enferméexs dans leur cellule 23/24h et n’ont accès au maximum qu’à une douche par jour.


L’eau des robinets présents dans les cellules est trouble et a très mauvais goût ce qui dissuade de nombreuses personnes de la consommer.


La situation au cachot (« dans les cellules disciplinaires »), est elle aussi particulièrement préoccupante. Ces cellules n’ont qu’une petite ouverture sur l’extérieur et ne possède pas de robinet. Le seul accès à
l’eau courante passe par une douche (qui se réduit souvent à un filet d’eau). En plus de devoir boire à même la douche, la qualité de l’eau est également douteuse (couleur grise, cause de démangeaisons).
Aucun savon n’est donné aux détenuexs, réduisant ainsi la possibilité de maintenir une hygiène corporelle. Pour rappel, les détenuexs sont isoléexs dans ces cellules et n’ont pas le droit aux promenades collectives. Ils ont une heure de promenade, seulexs, sur le toit, sans possibilité de se mettre à l’ombre.


La vétusté du bâtiment de Champ-Dollon ne se résume pas aux systèmes d’aération et d’accès à l’eau potable. Le bâtiment s’écroule, des bouts de murs tombent sur la promenade, des infiltrations d’eau ont été constatées dans le bâtiment, des sanitaires défectueux qui font fuire des excréments aux étages inférieurs.

Nous dénonçons ces conditions de détention qui sont tout simplement inssupportables pour les personnes détenues à Champ-Dollon, et plus particulièrement en période de canicule

SANCTIONS SUITE AU REFUS DU TRAVAIL À LA BRENAZ

L’enfermement dans des chaleurs inhumaines a poussé une dizaine de détenuexs de la Brenaz à se mettre en grève, vendredi 15 juillet 2022. Le chef d’atelier avait en effet refusé d’ouvrir les fenêtres de l’atelier de travail où la température atteignait au moins les 35°C.

Face à ce refus de travailler dans une chaleur étouffante, la seule réponse de l’administration pénitentiaire a été la sanction : l’isolement dans une cellule pour une durée d’une semaine.


Cet épisode n’est vraisemblablement pas isolé. Des personnes détenues interrogées dans le cadre d’une visite de l’établissement de la Brenaz en 2019, décrivent le système de sanctions graduel prévu en cas de refus de travailler. Au premier refus de travail, c’est la mise à l’isolement pour 24 heures. Au second refus, c’est 48 heures. Puis deux semaines. Ensuite plus de « droit à l’erreur pendant 6 mois », sinon on passe « de l’autre côté, à Champ-Dollon » (rapport annuel de la commission des visiteurs du Grand Conseil, 15 juin 2021). « En cas de maladie, par peur d’être sanctionné ils vont au travail ». Une fois placé en isolement en cellule, il faut « demander la promenade pour y avoir droit sans qu’il y ait un règlement qui le spécifie ».


Nous dénonçons ce système de sanctions disciplinaires, arbitraire et disproportionné.

ABSENCE DE PROTECTION DES TRAVAILLEUREUSES DÉTENUE.X.S

Le travail effectué par les personnes détenues n’est pas considéré comme du travail au sens juridique du terme. Le droit du travail ne s’y applique donc pas. Les personnes âgées de plus de 65 ans sont obligées de travailler, les salaires sont en dessous des minimums légaux (environ CHF 3 de l’heure) avec des horaires pouvant aller jusqu’à 8 heures de travail par jour, les conditions de sécurité au travail
ne sont pas toujours respectées.


Il n’y a aucune possibilité de revendiquer de meilleures conditions de travail sans être sanctionné.


Le retour au travail pour les personnes sanctionnées à la Brenaz devrait avoir lieu lundi. Tout porte à croire que leurs revendications ne seront pas entendues. Combien de temps encore de telles conditions de travail seront tolérées, si ce n’est encouragées par des institutions qui en profitent comme les HUG ? Combien de temps encore des personnes devront être enfermées dans des conditions pouvant entraîner des conséquences fatales sur leur santé ? Combien de temps encore les autorités pourront se murer dans un silence coupable ?


Nous dénonçons l’état d’exceptionnalité qui règne dans les lieux d’enfermement. Ces lieux sont conçus comme des endroits périphériques, complètement extérieurs à la société. Des lieux où ne s’appliquent ni les préconisations sanitaires – liées à la pandémie du Covid-19 ou à la canicule -, ni les dispositions légales liées au travail. En un mot, des lieux où règnent l’arbitraire des décisions de l’administration pénitentiaire.

IL Y A URGENCE !

Fin juin, les autorités suisses et genevoises de la santé ont participé à la lère réunion internationale sur la santé et la détention, à Genève, sous l’égide du CICR. L’une des recommandations finales de la Conférence est la suivante : « Les lieux de détention restent, en général, inférieurs aux normes, ce qui affecte la qualité des soins et l’état de santé des personnes privées de liberté et du personnel pénitentiaire. Les gouvernements et les autorités détentrices doivent s’efforcer de garantir des « prisons saines pour tous ». » Le responsable santé en détention des HUG a pris la parole à cette rencontre…
Nous demandons l’application de ces recommandations !


La santé mentale et physique des détenuexs nous inquiète. Des mesures urgentes doivent être mises en place afin de préserver la dignité de vie des détenuexs, déjà bafouée par le fait d’être enferméexs
dans ces établissements. La différence radicale de traitement entre les mesures prises pour la population à l’extérieur et celle à l’intérieur des prisons doit cesser. La canicule frappe fort dans toute l’Europe, et si nous pouvons à l’extérieur prendre des mesures pour préserver notre santé, les détenuexs en sont privéexs.

NOS REVENDICATIONS

  • La prise en compte des revendications des grévistes de la Brenaz.
  • Un contrôle de la qualité de l’eau et des installations sanitaires de tous les établissements
    pénitentiaires et notamment ceux de Champ-Dollon et de la Brenaz
  • Une distribution gratuite de bouteilles d’eau minérale en quantité à toustes les détenuexs en
    attendant le résultat de contrôle de la qualité de l’eau par les autorités compétentes. Des
    mesures de ce genre ont été appliquées par le DIP pour une situation similaire, pas de raison
    que celui de la sécurité ne puisse pas en faire de même !
  • La mise en place de climatiseurs dans toutes les cellules d’ici au 25 juillet 2022.
  • L’augmentation du temps de promenade avec de l’ombre et des points d’eau dès lundi 25 juillet.
  • La distribution de ventilateurs portables pour toutes les personnes incarcérées à Champ-Dollon
    pour tout l’été qui s’annonce caniculaire dès lundi 25 juillet.
  • L’accès aux douches illimité dès lundi 25 juillet.
  • La possibilité effective de consulter le personnel médical et de soins, en tout temps et
    rapidement, plus particulièrement pour les personnes détenues à l’état de santé fragile
  • L’accès à de la nourriture adaptée aux grandes chaleurs – produits frais (fruits, légumes, etc.)
  • La prise de température systématique en cellule, dans les ateliers et les cuisines et respect d’un
    seuil de chaleur et ceci dès lundi 25 juillet.
  • L’application du plan canicule aux établissements pénitentiaires.
  • La fin du cachot toujours, mais impérativement en période de canicule.
  • La fin du travail obligatoire et une augmentation des pauses dès lundi 25 juillet
  • La reconnaissance de l’application du droit du travail au travail effectué en prison
  • Des réponses circonstanciées de la part de l’Office de la détention et du Département de laSécurité au sujet de tous les lieux d’enfermement à Genève et notamment Curabilis (établissement fermé pour détenuexs jugéexs atteintexs de troubles psychiatriques), la Favra et Frambois (détention administrative), la Clairière (prison pour mineurexs).

 

Le Collectif Parlons Prisons
Le Collectif La Prison Tue
l’ Association des Juristes Progressistes (AJP)
Syndicat des Services Publics (SSP)
Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS)