Détenus en lutte pour leurs salaires et leurs conditions de travail

Le travail en prison – parfois présenté comme une forme de «réinsertion» – ressemble en réalité souvent à de l’exploitation brutale, voire de travail forcé. A la prison de la Brenaz à Genève, s’ils refusent de travailler pour un salaire dérisoire d’environ 3 CHF de l’heure, les détenus sont sanctionnés et enfermés en cellule. Nous republions ici une pétition écrite en février 2023 et un texte écrit en juillet 2022 par des détenus de la prison de la Brenaz. Parlons Prisons tient à affirmer tout son soutien aux détenus en lutte pour leurs droits. En attendant que la prison soit de l’histoire ancienne, il est nécessaire de faire entendre leur voix.

Pour un monde sans prisons

 

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Pétition du 15 juillet 2022

Maître,
Nous, ce petit collectif de détenus, venons par cette missive, et par votre biais afin d’alerter les droits de l’homme et à qui de droit dans ce pays.
Concernant le travail à la Brenaz, cette prison ne respecte aucune éthique des droits humains.
D’accord on a fauté, raison pour laquelle nous sommes en prison. Mais cela n’est pas une raison qu’on nous traite comme des esclaves. C’est de l’exploitation humaine et ceux qui la pratiquent, c’est eux-mêmes qui condamnent et emprisonnent le civil.
Un civil qui aurait exploité un être humain en le faisant travailler huit heures par jour et le payer 320 CHF net serait en prison actuellement. Mais quand il s’agit de l’autorité qui agit indécemment, on se demande s’il y a une justice sur terre.
Qu’ils mettent un plan de travail pour les détenus c’est normal à condition qu’ils respectent les chartes et lois sur le travail. Quand on force les gens à travailler comment la loi appelle cela ? Si le détenu refuse il est sanctionné et enfermé, comme si on ne l’était pas déjà.
En principe on est dans une prison d’exécution de peine devant avoir des plans de réinsertion, mais tel n’est pas le cas ici. On peut dire les seuls privilégiés de la réinsertion c’est ceux qui travaillent en boulangerie qui peut être sortent avec un diplôme.
Au moins à leur sortie, ils ont la chance de se réinsérer dans le domaine professionnel. Et pour les autres ???
A 7h00, on est au garde à vous pour le travail on y ressort qu’à 10h. 30 minutes pour rejoindre nos cellules à 11h45 le repas est servi pour ensuite repartir en atlier à 12h30. À quel moment on trouve le temps de digérer la nourriture.
Retour en cellule à 16h30.
Tout cela pour un salaire de 320 CHF net, après déduction des charges.
Nous par exemple, nous sommes dans un atelier qui fonctionne du lundi au vendredi pour un salaire de 320 CHF net.
Mais il y a d’autres ateliers qui peuvent rester fermés parce que le chef d’atelier est absent alors le détenu est payé à 50 % il touche la moitié des 320 CHF (est-ce de sa faute?).
Sur les miettes qu’ils nous donnent, il faut qu’ils nous grattent.
Chaque contrat signé, la prison s’est engagée à rémunérer le détenu en ordinaire à 33 chf par jour brut (voir copie de mon contrat que je vous ai envoyé).
Aucun paragraphe ne stipule et ni avenant dans ce contrat n’a été signé comme quoi en cas de fermeture d’un atelier, que le détenu est rémunéré à 50 %.
Avec toute cette frustration, certains refusent d’aller travailler et c’est considéré comme refus et le détenu est sanctionné, reste enfermer en cellule.
On nous fait croire qu’on a les mêmes conditions de travail qu’au dehors.
Dans mon atelier c’est le rendement qui compte, c’est du non stop. On nous exige d’en faire de plus en plus.
Remplir des caisses de fourchettes, couteaux, petites et grandes cuillères, des caisses lourdes en plus car il faut les prendre et les poser par terre. Elles peuvent peser jusqu’à 50kg. Des gens y laissent leur dos. Cerise sur le gâteau on a pas le droit de broncher mot. Combien de collègues se sont fait réprimander ?
Un jour un détenu a rétorqué à cause du surplus de travail, le gardien-chef sur un ton agressif a répondu : « vous faites ce qu’on vous dit de faire, que le vouliez ou pas, c’est comme ça ». En parlant du travail bien sûr. Est-ce normal ?
On est payé à coup de lance pierres, pendant que eux touchent le jackpot et renflouent leur caisse.
A savoir combien ces contrats extérieurs leur rapportent.
Il y a plein de détenus c’est des soutiens à leur famille et envoient leur pécule à leur famille. Imaginez-vous sur 320chf, faire un transfert, devoir faire des emplettes avec le prix des denrées pour la cantine qui ont augmenté et je ne vous dit même pas pour ceux qui sont payés à 50 %.
Bien vrai que nous sommes des détenus mais avant tout des êtres humains, on demande juste le minimum du raisonnable.
Maître, espérant un suivi au plus haut niveau, nous comptons sur vous pour mener ce combat.
Veuillez, recevoir nos salutations les plus respectueuses.

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Pétition du 23 février 2023

Au directeur de la Brenaz

Monsieur,

Par cette présente, nous voulons savoir comment justifiez-vous le fait de nous ponctionner la moitié de notre rémunération quand un responsable des ateliers est absent. Quand un atelier reste fermé, cela n’est pas de notre faute. Nous ne demandons qu’à travailler. C’est à l’institution qu’il incombe de trouver un remplaçant afin que l’on puisse travailler car certains d’entre nous comptent sur ce peu de pécule pour subvenir aux besoins de leur famille et faire des emplettes chaque mercredi. Si vous avez une convention collective liée à votre concordia concernant cela, bien vouloir nous en informer. Cela fait aussi partie du respect des droits humains.

Veuillez, Monsieur le directeur, croire à l’expression de nos sentiments.

 

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