Appel à contributions pour un livre édité par Parlons Prisons

Le collectif Parlons Prisons s’est lancé dans le processus  d’édition d’un livre qui rassemblera son texte fondateur « Brisons les murs ! À quoi servent vraiment la justice pénale et la prison? » et des textes et analyses de personnes détenues ou ex-détenues. Dans ce cadre le collectif émet un appel à contributions afin de donner la possibilité aux personnes concernées par la prison de contribuer à la parution d’un livre. Votre ou vos contribution(s) peuvent être envoyés à Parlons prisons afin que ceuxci paraissent dans le livre. Les contributions peuvent provenir des personnes détenues, d’expersonnes détenues ou des proches des personnes détenues.
Continuer la lecture

Des “mamans de l’extérieur” s’opposent à l’annulation de parloirs familiaux

La direction de la prison Champ-Dollon a décidé d’annuler les visites à cause de la grève des services publics qui aura lieu mercredi. Un groupe de « mamans de l’extérieur » a adressé une lettre ouverte au directeur.

Parloirs familiaux: Nos enfants ne doivent pas payer !

Monsieur le Directeur de la prison de Champ-Dollon,

Depuis plusieurs mois, tous les mercredis, nous nous rendons à la prison de Champ-Dollon pour que nos enfants puissent voir leur papa.

Continuer la lecture

« Vous mettez délibérément nos vies en danger »

Une pétition signée par une soixantaine de détenus dénonce les conditions de détention à la prison de Champ-Dollon !

En réaction à une interview de Claude Bettex, diffusée au journal télévisé de la RTS, des détenus contestent des propos tenus par le directeur ad interim de Champ-Dollon sur la geston de la canicule et dénoncent plus largement leurs conditions de détention. Afin d’exposer leur réalité carcérale, plus de soixante détenus de l’établissement pénitentiaire genevois ont adressés une pétion au directeur ad interim ainsi qu’à la presse. Le collectif Parlons Prisons relaie la voix des personnes directement concernées et transmet ici leurs revendications

Continuer la lecture

Parole de détenu #3 “ce qui revient le plus c’est la violence des gardiens”

Témoignage d’une personne détenue à la prison de Champ-Dollon sur la cellule de force aussi appelée cachot ou mitard et les conditions de détention.

Isolé du reste des détenus

C’est une cellule où on est totalement isolé du reste des détenus. La fenêtre est fermée, il y a aucun moyen de voir l’extérieur. Il y a une douche, un matelas, rien de plus. On nous donne un uniforme « un pull et un pantalon ».

Avant cela, le transfert de votre cellule quotidienne à celle du cachot, se fait par ascenseur où il n’y a pas de caméra. Des violences physiques sont faites aux détenus, violence verbale, insulte raciste, rabaissement, moquerie.

Continuer la lecture

Paroles de proche #2

Quel est/était votre lien avec la personne enfermée ?

C’est mon mari qui est incarcéré.

Combien de temps a duré/dure/va durer son emprisonnement ?

Il est à son 4ème mois, l’enquête est en cours, donc pas de jugement.

Comment vous êtes vous sentie au moment où vous avez appris son incarcération ?

Alors moi au moment où j’ai appris l’incarcération, déjà je m’y attendais pas. C’est arrivé le lendemain après qu’il ait été arrêté. Et c’était tellement horrible que franchement c’est le plus grand des traumatismes de ma vie que j’ai eu. C’est inexplicable. C’est affreux, affreux, affreux.

Continuer la lecture

Parole de détenu #1

Bonjour,

J’ai passé un an de prison à Champ-Dollon, je suis sorti en mai 2021. Ça fait maintenant 9 mois, bientôt 10 mois.

Ça a été dur, on voulait m’accuser de choses que je n’avais même pas faite. Des brigandages, j’en étais même pas au courant. Il y avait plein d’affaires dont des choses que j’avais pas faites. La procureure voulait m’accuser d’un viol que j’avais jamais commis et ils ont enquêté sur moi.

« genre ils veulent pas lâcher l’affaire, sans rien faire. Ils te laissent dedans. »

La procureure elle voulait me garder là-dedans même quand il n’y avait rien. Elle voulait toujours enquêter, genre ils veulent pas lâcher l’affaire, sans rien faire. Ils te laissent dedans. Au premier mois peut-être tu vas aller voir la procureure. Après pendant 5 mois ils te laissent. Après tu vas revoir la procureure. Après, pendant je sais pas combien de temps, ils te laissent. C’est des malades, c’est des oufs. Ils m’ont fait vivre un enfer… J’en ai bavé, j’ai pleuré et tout.

Continuer la lecture

Brisons les murs.

À quoi servent vraiment la justice et la prison ?

Texte fondateur du collectif Parlons-prisons.

PRÉFACE

Parce que la prison ne va pas de soi, parce qu’elle est le produit d’un contexte social et historique, parce que ce sont toujours les mêmes qui sont derrière les barreaux, parce que les lois ne sont pas neutres, parce que l’enfermement n’est pas neutre, parce que la prison est une forme de violence totale au sens où elle impacte l’entourage, l’esprit et le corps des personnes détenues, parce que ce système est raciste, parce que ce système est anti-pauvre, parce que ce système est sexiste, parce que ce système est inégalitaire, parce que la prison ne résout rien, bien au contraire : elle brise des vies.

Continuer la lecture

Quand migration rime avec détention et expulsion

Initiallement paru sur www.renverse.co

À Genève, une cinquantaine de personnes sont actuellement en détention administrative pour l’unique raison qu’elles se sont vues refuser une autorisation de séjour sur le territoire suisse. C’est le cas de R, tunisien, débouté, arrêté en octobre alors qu’il sortait de l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) où il allait renouveler son papier blanc lui permettant d’obtenir « l’aide d’urgence ». Attiré par le mythe d’une Europe des « droits humains » et de la prospérité pour tou.te.s, R s’est au contraire trouvé face à une politique migratoire qui considère les êtres humains comme des numéros à gérer, trier, renvoyer…


Alors que l’on s’émeut des morts tragiques de migrant.e.s parsemant les routes de l’exil, faut-il rappeler les milliards investis non dans l’accueil, mais dans la répression et la construction d’une forteresse aux frontières infranchissable ?

De l’accueil entre détention administrative et renvoi

L’exemple du parcours de R qui cherchait l’asile en Suisse.
R est un homme tunisien vivant depuis plus de dix ans en Europe et qui en 2015 s’est engagé dans la lutte contre l’hébergement des requérants d’asile en abri PCi à Genève. Aujourd’hui il est emprisonné, condamné à trois mois de détention administrative, dans l’attente de son expulsion. Il a été arrêté en octobre dernier alors qu’il sortait de l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) où, comme tous les 15 jours, il allait renouveler son papier blanc lui permettant d’obtenir « l’aide d’urgence ».

L’emprisonnement administratif peut durer jusqu’à 18 mois et se termine régulièrement par une expulsion, souvent assorti d’un vol spécial. À Genève, une cinquantaine de personnes sont actuellement emprisonnées aux centres de la Favra et de Frambois – et 168 places sont prévues sur le site de Champ-Dollon – pour l’unique raison qu’elles se sont vues refuser une autorisation de séjour sur le territoire suisse. La détention administrative les punit pour ce qu’elles sont, à savoir des personnes en exil cherchant refuge et un avenir meilleur en Suisse.

Des collusions indécentes entre Hospice et police

Débouté, R recevait l’aide d’urgence, soit 300.- mensuels, associés à une interdiction de travail, qui rendent impossible la vie en Suisse.
L’aide d’urgence, comme l’aide sociale, relève de la compétence de l’Hospice général. Pour la percevoir, les personnes en exil sont contraintes de pointer régulièrement à l’OCPM. Or, on assiste de manière récurrente à des arrestations à la sortie de cet office ou sur le trajet de retour, sous dénonciation des employés. Par une telle collusion entre social et police, l’aide sociale devient un véritable moyen de contrôle et de contrainte. L’OCPM étant à la fois le passage obligé pour obtenir de quoi survivre et le lieu choisi pour la répression.

R a trop longtemps été logé dans des conditions inacceptables. Pour avoir accès à des conditions de vie décentes et un minimum d’intimité – comme par exemple, dormir une nuit dans une chambre individuelle avec fenêtre, prendre une douche chaude en toute tranquillité ou cuisiner un repas avec des ami.e.s – R dort de temps à autre chez des proches. Mais si l’on ne se rend pas pendant 72 heures dans le logement assigné par l’Hospice, on est déclaré « disparu.e » aux autorités cantonales et perd les maigres droits accordés par le système de l’asile. Cette autre forme de contrôle rappelle que si des arrestations ont lieu lors du passage obligé à l’OCPM, elles s’effectuent également pendant le sommeil, dans les lits de l’Hospice général. Cette institution « d’action sociale » construit des dispositifs coercitifs en collaboration avec les politiques répressives d’Etat. Cela contribue à rompre irrémédiablement tout lien de confiance, poussant ainsi les personnes en exil à rentrer dans la clandestinité.

Le système migratoire suisse : une machine qui broie des vies

R a été attiré par le mythe d’une Europe des « droits humains » et de la prospérité pour toutes. Venant d’un pays « à risque migratoire élevé », il n’a pu voyager et rejoindre l’Europe légalement. Comme beaucoup d’autres, il lui a fallu prendre la mer clandestinement, au péril de sa vie. Il cherchait juste un avenir meilleur. Que peut nous importer s’il fuyait une guerre, une dictature, un pays dévasté par l’extraction de matières premières, la misère ou des problèmes personnels ? Tout le monde sait ce qu’il coûte de quitter son environnement, ses proches, ses repères pour aller dans un pays dont on ne connaît rien.
Arrivé en Suisse, R n’a pas pu raconter sa véritable histoire ni montrer ses papiers, car cela lui aurait valu un renvoi immédiat. Il n’a pu toucher aux miettes de cette prospérité, ni apercevoir l’ombre des « droits humains ». Au contraire, il a été mis face à l’interdiction de travailler, face aux logements délabrés, face aux visages glacés de l’administration (SEM, OCPM, Hospice général, police) et parfois même ceux du corps médical. Il a été forcé de vivre dans les sous-sols des bunkers à 30 par dortoir, sans air ni lumière du jour, soumis aux fouilles, aux contrôles et aux vexations permanentes. Face à ces conditions de vie et au mépris affiché par l’Hospice général dont il dépend, R ne s’est jamais senti considéré comme un être humain.
Cette politique migratoire considère les êtres humains comme des numéros à gérer, trier, renvoyer. Cette politique migratoire produit et cautionne leur mise à mort.

Le statut de réfugié : un trophée réservé à une minorité

Face à une demande d’asile, la première préoccupation des autorités est de prouver que le ou la requérante est passée par un autre pays d’Europe pour l’y renvoyer sous couvert des accords de Dublin. La deuxième étape consiste à démontrer que sa demande n’est pas justifiée ou qu’elle provient d’un pays où l’on ne risque pas de « vraies persécutions ». La misère, créée par des pratiques coloniales, n’étant évidemment jamais prise en considération. Et ceci sachant que le droit à l’asile fluctue au gré des relations diplomatiques et économiques*, qui permettent par exemple d’apposer ou d’enlever le terme guerre sur tel conflit ou le qualificatif de dictature sur tel régime ; considérations qui changent parfois du jour au lendemain.

Vrai ou faux, comment faire le jeu des discours xénophobes

Alors que l’on s’émeut des morts tragiques de migrant.e.s parsemant les routes de l’exil, faut-il rappeler les milliards investis non dans l’accueil, mais dans la construction d’une forteresse aux frontières infranchissables** ? Là où passent et repassent en toute sécurité les marchandises et les détenteurs du bon passeport – pour des vacances balnéaires, des séjours d’affaires ou des études universitaires – des êtres humains en possession du « mauvais » statut socio-économique et de la « mauvaise » nationalité, se fracassent contre des murs ou disparaissent.
On défend quelques « vraies » personnes réfugiées que l’on oppose aux « fausses » qui viendraient pour des « raisons économiques », en feignant d’oublier la responsabilité de cette même Europe qui pille et exploite les ressources de leur pays et qui bien souvent se retrouve liée de près ou de loin aux causes des conflits existants. Comme si les « motifs économiques » n’étaient pas politiques ni une violence infligée par des privilèges. Méfions-nous des divisions artificielles sur qui aurait la légitimité de séjourner sur le continent européen.

Stop aux collusions entre social et police
Stop aux arrestations à l’OCPM et dans les foyers
Stop aux bunkers, aux prisons et aux renvois

Liberté pour R et toutes les personnes incarcérées

Collectif Sans Retour
10 November 2017

* En 2012 la Suisse a signé un partenariat avec la Tunisie, “qui prévoit la réadmission des requérants d’asile déboutés en échange d’une série de mesures d’aide au développement socio-économique du pays”. https://asile.ch/2016/01/20/swissinfo-ch-le-statut-de-pays-sur-nimplique-pas-forcement-un-renvoi-de-migrants/

** À Genève, par exemple, plusieurs millions servent déjà à la répression des personnes en exil et 63 millions sont actuellement prévus d’être investis dans la construction d’un centre fédéral de renvoi au Grand-Saconnex.